La TUNISIE sans concessions, saison 1 : des rumeurs de SFAX au silence du SAHARA

Décor planté dès mon arrivée à SFAX : le chauffeur de l'école française locale (S. de Beauvoir, qui m'embauche alors), bien d'accord avec moi pour dire qu'ici, on roule n'importe comment (motos et voitures à contre sens sur le côté droit de la chaussée...)... dépasse sur la gauche tous les véhicules attendant devant le feu rouge sur deux files, pour venir se positionner devant tout le monde ! Les loubards de nos Quartiers de Reconquête Républicaine (QRR) savent où sont leurs sources... 

Mais bon, la chauffeur allait me déposer devant mon appartement tout de marbre vêtu, digne d'un hôtel 4 étoiles (mais avec de l'eau chaude partout - y compris au tuyau "nettoie-cul" - sauf là où elle est indispensable : la douche ! J'ai appris plus tard qu'on peut trouver de vrais hôtels 4 étoiles en Tunisie sans eau chaude...).

Décor bis : des poubelles plus  ou moins éventrées partout... un peu comme au pied de notre immeuble de la Villeneuve à Grenoble (QRR)... Avantage : cela fait le bonheur des chats qui pullulent ici et qui exercent sur moi un charme à toute épreuve !

Deux décors que je retrouverai partout en Tunisie, le plus sale des pays où j'ai vécu ou que j'ai visités (mais je n’avais pas encore découvert les périphéries de Lagos,  qui battent tous les records...). Heureusement qu'on aime beaucoup les minous ici, ça rattrape un peu les choses...

Je rêvais de la mer : il me fallait me payer chaque jour une eau saumâtre où je voyais à peine mon corps, "habitée" par les rejets industrielles de la capitale économique de la Tunisie, les eaux hyper salées expulsées de la nouvelle station de désalination... et les liquides puants et denses des égouts transitant par ce qui étaient autrefois des cours d'eau se déversant dans la mer... Il me faudra aller aux magnifiques îles de Kerkennah, à une vingtaine de kilomètres au large (triste point de départ de certains bateau-épaves sur lesquels périssent nombre de migrants illégaux...), pour trouver la beauté des flots que j'espérais...

Alerte 1 : mon premier accident en vélo (sur un rond-point, une femme voilée ne m'avait pas vu est s'est arrêtée juste à temps : j'étais plaqué contre la carrosserie de sa bagnole et n'ai dû mon salut qu'au fait d'avoir la selle de mon vélo au niveau le plus bas, gestion post-sciatique oblige, ce qui m'a permis de me rattraper sur les jambes...). Là, je commence à me poser de sérieuses questions sur ma longévité ici... 

Alerte 2 :  mon deuxième accident en vélo (je m'écrase un dimanche à 7h du matin contre une voiture qui a stoppé net au milieu d'un carrefour afin de tourner à gauche, sans bien sûr sans mettre de clignotant : le conducteur ne s'est même pas aperçu de ma présence...). Là, je sais que je vais déguerpir bientôt...

Alerte permanente : le bruit, ils aiment là-bas... Une folie de coups de klaxons (au moins style Mexico, ou pire...), de l'aube jusqu'au soir. Sauf à Djerba où j'étais charmé par les appels du muezzin à la prière faits en direct avec harmonie et douceur, sinon à Sfax comme ailleurs, les appels à la prière préenregistrés et diffusés à tue-tête par des haut-parleurs assourdissants me faisaient penser à des râles d'agonisants... (le summum : le vendredi, avec les prêches des imans diffusés à fond les boulons dans les rues alentours : au secours !)

 

Aux îles de Kerkennah : enfin de la belle mer et du silence !

Côté boulot, tout (ou presque) a été génial durant deux semaines : une classe de CP d'un très bon niveau et avec laquelle la relation était excellente. 

 

Rose offerte par mon élève Mounir, très timide et qui a vite pris confiance

Juste un peu étrange que le directeur Richard, pourtant père et prof de sport, ait inscrit deux plages de deux heures d'EPS chaque semaine (j'ai remédié à la chose en faisant quatre plages d'une heure, adaptée à des enfants de cet âge). Et une innocente remarque qui est devenue une montagne : l'assistante en langue française Kharima (étudiante en FLE) n'a pas digéré que, très gentiment, je lui ai expliqué que non, le "e muet" ce n'est pas le "e" de (par exemple) "gageons" mais ces "e" finaux qui ne créent pas de nouvelle syllabe (bel et belle) : "il m'a mal parlé !" s'est répandu (à mon insu) dans l'établissement - sauf que comme c'était la petite copine du proviseur, ça a commencé à chatouiller quelque part...

Cela avait pourtant bien commencé, dans notre première classe, grande et lumineuse

Puis basculement dans l'infernal avec le changement de locaux pour faire place aux élèves de l'établissement suivant le programme tunisien (ils rentrent plus tard que ceux du programme français). Locaux neufs pour tenter d'obtenir l'homologation AEFE de tous les niveaux. Trop neufs : pas finis ! Le lundi, ziz-zaz entre les rouleaux de pelouse artificielle que les ouvriers installaient... Mais surtout notre nouvelle classe : la plus grande sur le papier (j'avais la classe la plus nombreuse, de la PS à la Terminale), c'est pour ça que le dirlo me l'a attribuée, mais tout en longueur : la moitié inutilisable, donc la plus petite... Le tableau face aux ouvertures (la seule ainsi), donc avec de nombreux reflets... La clim qui faisait tellement d'eau qu'au bout d'une heure on ne passait plus la porte et qu'il fallait l'arrêter (et donc travailler à plus de 30 °C...). La sonnerie remplacée par l'alarme, toute la journée (les tympans ont apprécié...). Et surtout : pas de vitres durant trois jours ! Comme on était au rez-de-chaussée et que tout était incohérent dans ces locaux, on avait droit aux collégiens et au lycéens bavardant (criant) devant (=dans) la classe pour les récréations et les interclasses (même avec les fenêtres qui finirent par arriver, on n'avait qu'une heure et quelque de tranquillité le matin, ensuite il fallait bosser dans le bruit). 

Ayant osé écrire un rien mon mécontentement dès le lundi soir, le proviseur s'est fendu du gentil mot suivant à 22h : "Ceux qui ne sont pas contents n'ont qu'à retourner en France et aller travailler dans le 93 !" En voilà un qui sait mener son équipe !

À partir de là, soit on changeait de classe, soit je partais (pas avant les vacances de la Toussaint, car le salaire de septembre était prévu pour le 20 octobre - ils savent y faire en Tunisie...). Le lundi de la dernière semaine de septembre, réunion avec les parents, encore plus remontés que moi (absence de papier dans les toilettes, etc., etc.) : on décide de jouer le tout pour le tout, chacun de notre côté. Il sont allés interpeller l'administration le mercredi, et le directeur m'a promis dès le lundi soir un changement de salle... qui n'est jamais arrivé. Le vendredi soir, sur le sable près de la mer brune, je me demandais quand il serait le mieux de tirer ma révérence, tiraillé par le fait d'abandonner mes élèves, quand un courriel a mis fin à mes interrogation à 17h31 : j'étais viré et prié de venir chercher mon salaire le lundi, un avion m'attendant pour rentrer en France (je fus le dernier prévenu : j'ai su ensuite que tout le monde savait que mon éjection avait été actée dès le mercredi et l'intervention musclée des parents pour demander des conditions de travail dignes). Le soir même, je recevais un autre courriel me proposant un poste en collège et lycée à Nabeul : tout semblait écrit et parfaitement coordonné... La vie est bien étrange...


Soulagement : fini les états d'âme et la mauvaise conscience, on m'avait rendu service ; tant pis pour les collègues sans argent, moi j'avais ma paye trois semaines avant la date prévue ; et j'ai fait partie du lot des premiers départs (après la visite du chantier, l'AEFE n'a bien sûr pas homologué l'établissement, et trois titulaires Education Nationale ont été remercié fin septembre - nous avions les plus gros salaires, mais nous étions indispensables pour tenter l'homologation... ; cela a été dur pour Loane, qui passait ses dimanches soir avec le proviseur et le directeur dans sa luxueuse villa avec piscine en bord de mer, et qui a été jetée comme un vieux chiffon trois jours avant la fin des vacances de Toussaint...).




Vue depuis la villa de Loane 

Cerise sur le gâteau : j'ai fait convertir mon billet d'avion en espèces sonnantes et trébuchantes et suis parti à la découverte du désert du Sahara, riche !

Le Sahara était en fait ma vrai destination, dans le sud tunisien. Quelques images :

DOUZ (avec un clou final... qui en vaut le coup : le coup du chameau !)















Je rêvais depuis des années de danser les lettres sacrées dans le désert : une nuit en bivouac, seul, et les dunes furent à moi dès le petit matin !
























J'aurais aimé y revenir avec des groupes pour danser et marcher dans le désert, et j'ai visité de nombreux campements et pris de nombreux contacts.


Mais je me suis vite rendu compte que les paroles données étaient très volatiles côté prix, et trois expériences d'amis mon quelque peu dissuadé, sauf à être très très très prudent... (Après des années de coopération avec un Douzien, un vieil ami a dû cesser très fraichement ses activités ici il y a des années ; l'an dernier, des Italiens avait amené un groupe pour refaire un circuit expérimenté en intimité avec une agence quelques mois avant : la veille au soir, coup de fil de l'agence : soit tout est annulé, soit le prix est doublé... ; en novembre, le groupe d'une amie a été littéralement pris en otage par le bus qui les ramenait et n'a redémarré qu'avec doublement du prix convenu... ; en avril, le groupe d'une autre amie a fait un bon trek saharien c'est vrai, mais ils avaient déjà payé le double des prix qu'on m'avait indiqué en octobre...).

Le coup du chameau !

Le dernier campement visité, au matin de mon deuxième bivouac dans le désert, était en pleine construction : Mohamed s'y affairait quand j'y suis arrivé par hasard. 

Trois semaines plus tard, je demande par WhatsApp où en est l'avancement des travaux... et je commence par recevoir des liasses de cœurs ! ... 


Où Mohamed voulait-il en venir au juste ? La réponse est arrivée à la mi-novembre avec le coup du chameau : 


Et suit la photo dudit chameau :


Puis un complément d'informations, après avoir indiqué que je n'avais jamais pensé à acheter un chameau et demandé (amusé) combien cela coutait un chameau : 
Je n'ai plus jamais répondu aux messages de Mohamed, qui n'a cessé de tenter de me joindre depuis... et de m'envoyer d'autres liasses de cœurs !... Ah, quel chameau le mec !


TATAOUINE et environs


















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