Le BÉNIN : bénie surprise !
Le Bénin fut la bonne surprise de cette année apparemment chaotique, mais durant laquelle si souvent j’ai senti que les choses étaient écrites : tout y a pris sens !
En arrivant à Cotonou (la capitale économique et administrative du Bénin, et le deuxième plus grand port d'Afrique de l'Ouest), je suis tout de suite séduit : des routes impeccables jusqu'à l'intérieur de la ville ; des signalisations parfaites ; des rond-points propres et nets comme chez nous ; des enseignes de magasins dans un français rigoureux avec des jeux de mots bien trouvés et pertinents (adieu les "pains spécieux" de Tunisie, bienvenue les entreprises de "Savoir-fer" ou le restaurant "Coq-O-Rico") ; et des travaux d'envergure partout : je sens immédiatement qu'il y a dans ce pays une énergie d'avenir absolument saisissante. Déjà, le passage de la douane avait été une excellente indication : là où il nous avait fallu plus de deux heures, quatre bakchiches et d'interminables palabres pour quitter le Nigéria, cela s'était fait en quelques minutes et de façon parfaitement réglementaire côté béninois.
Cette belle maitrise de la langue française (uniquement apprise dans le système scolaire, les langues maternelles étant très nombreuses dans ce pays créé, comme partout en Afrique noire, par les découpages coloniaux faisant fi des réalités socio-culturelles locales), cette maîtrise du français donc laisse place à quelques particularités béninoises sympathiques : "bonsoir" s’utilise à partir de 11h ou 12h ; si on te dit "à tout à l'heure", il ne faut pas t'attendre à revoir la personne dans la journée : on t'a juste dit " à bientôt" ; et, à tout bout de champ, tu auras droit à des "doucement" qui me faisaient, au début, me demander pourquoi on me trouvait si speed - c'est juste la traduction littérale d'une expressions en fon (la langue maternelle majoritaire) voulant à peu près dire "attention", "fais gaffe"...
J’ai aussi très vite senti que le simple "Bonjour !" ne suffisait pas et qu’il convenait de le rallonger en " Bonjour ! Comment ça va ? / Tu vas bien ?" (De retour en France, il m’a fallu faire machine arrière : croisant un jour en montagne une randonneuse, je lui ai servi un " Bonjour ! Vous allez bien ?" qui a généré une agitation des hormones et un mouvement d’approche que seule une grande clarté d’intention de mon côté a réussi à canaliser... Idem pour le "Bonsoir !" que je servais en abondance sur les chemins de Bretagne... quand tout le monde me disait "Bonjour !"...).
J'arrive avec trois énormes sacs de nourriture (le 22 mars, on m'avait mis à disposition le chauffeur et la voiture du LFL, j'avais acheté de quoi manger jusqu'à juillet... obligé de tout donner à mon départ ou de transporter le reste - j'en aurai encore à mon retour en France...). Une idée lumineuse me vient : je me fixe deux semaines pour tenter de trouver du boulot ici. Cela me permettra de faire diminuer le volume des sacs de bouffe (condition sine qua non pour envisager une traversée de la sous-région en transports en commun), et d'apprendre à connaître un peu ce pays auquel je n'avais vraiment jamais pensé auparavant. Si je ne trouvais rien, je prendrais la route vers l'Espagne par voie de terre.
Je m'installe dans une sorte de chambre-cabane louée par un propriétaire de ce que je découvrirai être, en plus d'un lieu de fête, un hôtel de passe... Mais cela me va : loin des routes, directement sur la plage face à l'océan, l'idéal pour digérer l'intensité des semaines passées... Et si le prix est exorbitant ramené aux tarifs locaux et à ce que c'est (les nuits de pluie, il me faut mettre le matelas par terre car l'eau traverse la paillasse du toit jusqu'au lit...), l'ambiance est sympa.
Et, pour me garder le plus longtemps possible, on me laisse accéder à la cuisine familiale (ce qui n’enthousiasme guère la ménagère... mais le commerce fait loi).
Chaque jour, je vais nager, ce qui est souvent pris comme un évènement : la plupart des Béninois ne font que barboter et rigoler dans le ressac, effrayés par l'océan qui en emporte néanmoins un certain nombre régulièrement, ou par la supposée Mamie Wata qui hanterait les eaux et voudrait les noyer, voire les manger tout crus...
Aussi, quand je sors de l'eau, j'ai souvent un comité d'accueil plus ou moins fourni (un jour, ils étaient treize ! ) : admirer le Yovo (le Blanc, en fon) nager derrière les vagues puis lutter contre le courant pour revenir sur la plage, c'est une attraction de choix ! Venir le féliciter à sa sortie victorieuse, être pris en photo avec lui et échanger numéros de téléphone et contacts Facebook, c'est le pied absolu !! Pour moi, plutôt sympathiques ces rencontres quotidiennes pleines de vie... et que l'absence de porte-monnaie sur la plage me permet de garder dans un cadre purement amical...😉
Notables exceptions (voire inversion totale) à une fâcheuse tendance à organiser les relations en fonction de la couleur des peaux : par deux fois, des étudiantes béninoises m’ont payé un grand sandwich ou une noix de coco vendus sur la plage, alors que je m'étais arrêté pour seulement en demander le prix (et m’organiser en conséquence à la prochaine baignade). Surprise amusée : "Une Méwi qui offre à un Yovo !?!" Réponse souriante : "Ça arrive aussi !" Mais en fait je le savais bien, mon petit périple en vélo me l’avait assez montré...
VIDEO Danse impromptue sur la plage à mon retour du bainChaque jour aussi ou presque, les pêcheurs tirent leur immense filet en s'accompagnant de chants, puis vendent leurs poissons directement sur le sable.
On me prêtera un vieux vélo rouillé sans chaine et sans frein, qui me fera économiser les motos-taxis quasi indispensables sinon pour quitter ce bout de plage perdu à l'ouest de la ville... mais avec lequel j'aurai dès le premier lundi d'avril un petit accident (un gamin que j'amenais à l'ambassade de France voir s'il n'y aurait pas un moyen de lui payer sa formation... m'a fait un tête-à-queue imparable me valant une entorse et trois semaines de repos forcé... durant lesquelles j'ai lu tout ce qu'on m'avait envoyé depuis des mois sur le bleu de méthylène - une aubaine en définitive).
VIDEO Silas m'interviewe un dimanche soir : 35 000 vues sur son compte Tik-Tok en une semaine !Le soir de mon arrivée, je parcours un bout de la ville à pied et suis à nouveau séduit en découvrant, même quand elles sont simplement de terre, des rues vraiment très propres (Paris et la Tunisie sont des taudis à côté), avec de jolies poubelles en osier tressé qui se retrouvent un peu partout dans le pays.
Le seul truc un peu déroutant, c'est que les hommes urinent partout dans l'espace public sauf dans les coins, et dans toutes les directions... exhibant parfois leur terrible engin sans complexe, voire en l'agitant frénétiquement et en rigolant !...
Le dimanche, je vais à l'église populaire du quartier pour une messe de deux heures avec sermon de vingt-cinq minutes (comme tous les autres dans la plupart des églises catholiques locales...). Je trouve que le prêtre crie bien fort pour nous parler de l'amour de Dieu... mais quand je découvrirai plus tard ce qui se passe dans des églises évangéliques ou dans celles du Christianisme céleste (une spécialité locale très répandue), je finirai par me dire que les prêtres cathos sont (presque) de doux agneaux... Durant la Semaine Sainte qui a suivi, ma dent contre la classe sacerdotale héritée de la Tunisie sera fortement nourrie par une double scène hallucinante : les confessions se passent à ciel ouvert ; à gauche, pendant que les paroissiens confient leurs heurs et malheurs, le curé surfe sur le net après avoir rempli le "carnet de bon chrétien" (nombre annuel de confessions et de dons - pour l’Eglise, qui ici a institué la double ou triple quête par messe...) ; et sur la droite, le prêtre répond à un appel téléphonique alors qu'il donne l'absolution, laissant partir la pénitente sans un aDieu ni un regard... Heureusement, Léopold Sédar va rapidement m'indiquer les Dominicains, où je serai plus à l'aise côté rites et prières... Fin mai, je decouvrirai le sanctuaire Notre-Dame des Lagunes à Porto-Novo : c’est là que je me sentirai le mieux côté ecclésial - Dieu soit loué !
Avec Sédar
Sédar, qui travaille comme cadre dans l'une des plus grosses entreprises locales de télécom, vient me rejoindre à la fin de ma première messe béninoise (dimanche 30 mars). Il va être mon ange gardien à plus d'un titre et un vrai copain : outre les bonnes infos côté prière, il me procure une carte SIM (pour laquelle, théoriquement, il faut s'enregistrer dans un méandre administratif décourageant) et achète avec moi notre "bébé" : un beau VTT qui va me donner mon autonomie... et bien plus (voir l'article suivant).
Dimanche soir, rencontre avec un Mohamed local qui se verrait bien être mon amant, mon fils adoptif et surtout mon héritier (avec moult avances sur héritage), et qu'il va me falloir rapidement jeter : excellent exemple du broutteur (de Blanc) dont l'Afrique noire et les pays arabes ont le secret... D’autres broutteurs et broutteuses seront sur ma route dans les semaines et mois suivants : une fois identifiés, ils seront également blacklistés.
Juste avant, coup de froid dans ce pays au climat idéal : ma CB est mangée par le distributeur, et bien sûr la banque est fermée. Mais quand je m'y présente le lundi matin, je suis reçu tellement gentiment, poliment, sourirement, que je finis par être heureux de ma petite mésaventure : un goût d’ici commence à s'éveiller en moi...
L'image du profil de Noël sur WhatsApp (texte de louange en espagnol : "Ma bénédiction vient d’en haut et je ne cesserai je croire en Lui")
Samedi soir, Noël m'avait séduit lui aussi sans le savoir : en m'accueillant à la réception de l'hôtel où il travaillait et où j'allais chercher une connexion WIFI, il se met à me parler en espagnol ! Nous avons le même amour pour cette langue. C'est à lui que je dois, dès lundi après-midi, d'être sur le campus d'Abomey-Calavy, au nord de Cotonou, à la recherche de son prof d'espagnol dans l'espoir qu'il me donne du boulot. En vain... mais j'arrive à l'exposition Patrimoine 2.0, y rencontre Lilly Houngnihin (prof d'histoire de l'art passionnante, commissaire de l'exposition), et m'immerge dans une culture qui m'intéresse beaucoup plus que je ne l'aurais pensé. Outre la prof Lilly, je croise des étudiants pétillants et vifs, des dynamiques pleines de promesses, et quelques artistes. Parmi ceux-ci, Gil-Christ Khano qui fait de moi des clichés très réussis et dont j’ai suivi le travail (et qui, en août, m’a présenté trois projets... à financer !😉). Toute la semaine, je reviendrai sur la fac pour profiter de cette expo, de ses rencontres culturelles, de ses personnes séduisantes par leur intelligences mais aussi par leur spontanéité simple si éloignée d'un certain formalisme universitaire à la française. Décidément, je me sens bien ici...









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