BÉNIN by bike : ça roule !
Trois semaines de libres avant mes cours, plus de logement : je me lance dans une virée cycliste au Bénin après m'être guéri pour la première fois d'une infection du pied potentiellement grave avec du bleu de méthylène et surtout du chlorure de magnésium (https://therapiesalternativesmesexperiences.blogspot.com/2025/06/chlorure-de-magnesium-boost-immunitaire.html). Je passerai de 12 km péniblement parcourus le premier jour... à plus de 80 km quelque part au milieu de mon périple : quand la forme revient, elle revient !
Ce merveilleux périple vers Parakou (limite nord des zones encore officiellement dégagées des djihadistes) et les grandes villes du sud du pays (Ouidah et Porto-Novo) aura parfois les allures d'un roman policier... et toutes les beautés d'un vrai baptême ! Partout, des routes impeccables avec, la plupart du temps, un large bas-côté tout à fait sécurisant - et parfois, en quittant la route, une journée sur une magnifique piste de terre rouge. En route, en avant !
Samedi 10 mai 2025
Direction l'École Internationale de Théâtre du Bénin (EITB) afin de vérifier si ce lieu qu'une collègue m'a recommandé pourrait convenir pour le Global Underscore du 21 juin projeté avec les danseurs de Multicorps. Le lieu est parfait à tous égards... et le patron si charmant qu'il me propose de planter ma tente sur la plage près de la scène et de la statue (où nous nous amuserons beaucoup en juin), mon vélo restant sous la bonne garde du gardien des lieux. Merci Dime !
Au matin, découverte de l'unique accès à l'eau, mais quelle eau et quel accès : un puits muni d'un sceau et d'une poulie. Toilette et boisson assurées !
Je vais découvrir, au fil des kilomètres, que le Bénin est un pays béni par son eau, présente presque partout en sous-sol et facilement accessible, du moins quand on ne s'éloigne pas trop des côtes. Les puits, il y en a partout et de toutes sortes. Or l'eau et le mouvement, c'est la vie, non ?...
Dimanche 11 mai 2025
Départ au petit matin... jusqu'à croiser une processions joyeuse (dansante et chantante) se rendant à une petite église, pour la messe la plus vivante qu'il m'aura été donnée de vivre au Bénin depuis mon arrivée. Avec une homélie enjouée, très ping-pong (ce qui est souvent le cas ici, avec en particulier des "Hôôôô !" - "oui", je crois - de l'assemblée répondant au prêtre, des chants et des danses au milieu des palabres, etc.), sans un cri : c'est la première messe d'un nouveau prêtre ! Il est bien parti, le gars !
Quelques kilomètres plus loin, des femmes m'invitent à venir manger sous leur boutique de palmes en bord de route les fruits que je viens d'acheter un peu avant. Et bientôt, c'est l'attroupement, autour de moi et du chef du village qui me montre beaucoup de sympathie (je le saluerai le dernier jour de mon périple, qui me refera passer par cette route en sens inverse).
Une image qui me marquera pour toujours : alors que je suis installé dans mon hamac pour la sieste, des "Yovos ! Yovos cadeau !" me font tourner la tête : deux petits garçons se tiennent à quelques mètres derrière moi, la main tendue. Avec un grand sourire, je leur dis que non, je n'ai rien à leur donner. Et eux de me faire des sourires plus grands encore et des petits signes d'au revoir de la main. Touchants et charmants gamins !
Le soir, arrivée à la plage de Ouidah, où a été créée la Porte du non-retour pour rappeler que d'ici, la plupart des esclaves partant pour les Amériques étaient vendus.
Je repère à proximité un centre culturel, y entre, et suis ravi de découvrir le danseur et chorégraphe bénino-français Vincent Haridso fondateur du lieu et partageant sa vie entre le Bénin et Bordeaux (Solo Vincent Harisdo Des Visages des Figures - YouTube). Il m'ouvre à la gestuelle et à l'approche spirituelle du mouvement expressif associés au Vaudou : tout cela est très proche de la Méthode de Delsarte ! Incroyable rencontre. Je mets ma tente derrière un bâtiment du centre contre une toute petite somme.
Livre de Vincent Haridso
Lundi 12 mai 2025
Ouidah est la capitale du Vôdoun, mais c'est surtout le Centre Culturel de Rencontres Internationales qui va me marquer, par son beau jardin, son resto bon et bon marché, son directeur accueillant et débordé (qui n'a jamais répondu au projet d'être associé au Global Underscore que je lui ai présenté alors, mais qu'importe). Au resto, deux gars me soufflent : les boissons arrivées, ils en versent chacun un peu au fond de leurs verres, nettoient ceux-ci, jettent le liquide du verre et peuvent boire en toute tranquillité. Preuve, s 'il en était besoin, que l'hygiène n'est pas qu'un projet gouvernemental mais fait bien partie des mœurs locales.
Une "anecdote" qui n'en est pas une, au regard des violences religieuses de l'histoire humaine : quand les catholiques ont voulu construire une basilique en 1903, ce sont les adeptes du Vôdù qui ont offert le terrain (se situant exactement en face de leur Temple des Pythons)... et qui sont même allés jusqu'à participer aux travaux de construction ! Unique ? Peut-être bien (et nous ne sommes pas en Asie, souvent phantasmée pour sa supposée ouverture spirituelle, mais bien en Afrique, si mal connue...).
Près de ces édifices religieux, une belle fondation artistique (les autres sont fermées le lundi), avec de sacrées belles pièces !
Je file le soir vers Gakpé (au nord de la ville), à la recherche d'un sanctuaire marial indiqué à deux endroits sur Google Maps, et passe ma première nuit sous tente en pleine brousse (ni reptiles dévoreurs, ni araignée vénéneuse, ni découpage à la machette, désolé...).
Mardi 13 mai 2025
Alors que je sors, nu, de ma tente, passe un jeune homme qui va travailler au champ : je me croyais seul, j'avais en fait dormi tout près de quelques cases isolées. D'autres personnes étaient passées au petit matin sur le petit sentier à proximité duquel j'avais mis tente et vélo. Et tout s'était parfaitement déroulé. Cette première nuit un peu aventureuse m'a donc rendu familiers et accueillants, et la brousse, et ses habitants (dont un mari qui, avec son épouse, attend encore son premier nourrisson).
Surprise : en cherchant le sanctuaire, je tombe sur... un immense lac ! (et des personnes charmantes, dont le jeune homme du matin). En poursuivant la piste où est indiqué le deuxième emplacement dudit sanctuaire (que je trouve fermé ; il est dédié aux enfants à naître), j'arrive à nouveau sur le lac, qui s'étend toujours à perte de vue et qui barre le passage : Google Maps, c'est vraiment pas ça en Afrique ! Lac = baignade !
Au retour, les élèves d'une école primaire me font la fête ("Yovo ! Yovo ! Yovo !"), je les salue d'un signe de la main ainsi que les instituteurs qui sont là et me répondent... puis décide de venir serrer la paluche de mes collègues. Accueil très chaleureux devant la classe des CM2 où manque le maître (parti faire une course) et où je fais le prof quelques minutes. Tableau avec de belles lettres majuscules en attaché (comme on n'en voit quasiment jamais en France, mais comme je m'efforce à les transmettre), élèves calmes et respectueux, collègues charmants : immédiatement, je me dis que je passerais bien la fin de ma carrière dans ce type d'environnement humain et professionnel...
Je suis séduit par le texte autour de la paix qu'il a publié sur les réseaux à l'occasion de son anniversaire (le 8 mai) et par son ouverture aux dynamiques culturelles et artistiques (il connaît Vincent Haridso et préside une association menant différentes actions passionnantes... dont un camp d'été créatif, sous tentes, ce qui me parle quelque peu...).
Il joue cash dès cette première rencontre en me parlant d'un projet de créer une école privée à dominante artistique (j'entends d'une oreille... pourquoi pas... il cherche des financements, je finirai par le comprendre... Quand, en fin de semaine, il me donnera des détails si précis que je constaterai que son projet est déjà très avancé, je devrais lui préciser que cela serait pour moi idéal pour la retraite, mais que dans l'immédiat je projette d'aller travailler à Djibouti à la rentrée. Il sera dès lors un peu moins réactif dans nos échanges... mais nous nous reverrons tout de même en fin de parcours. Dans le fond, j'ai besoin que cela puisse devenir aussi mon projet, et pour cela un peu de temps m'est nécessaire).
Croqué par Victor Vako
En fin d'après-midi, je retrouve Saliou à Tori-Bossito, sur la route. Nous nous étions rencontrés dans le taxi collectif me ramenant de Grand-Popo deux semaines plus tôt. Il me met sur sa moto, nous allons manger chez sa mère, visitons quelques-unes de ses activités professionnelles (micro agences de téléphonie, bâtiment de rapport en construction), et il me laisse chez lui pendant qu'il va fermer les autres de ses boutiques. Etonnante confiance. Confiance aussi de m'accueillir dans son lit deux places... en tout bien tout honneur ! Il projette un jour de venir visiter la France, je lui faciliterai les choses autant que faire se peut. Au matin, sa réponse charmante à mes remerciements pour son accueil : "Merci d'être venu me visiter !"
Mercredi 14 mai 2025
Pause le midi à Allada, une vingtaine de kilomètres après Tori-Bossito. Un immense manguier m'accueille sous ses branches pour la prière et le repas du midi.
Une mère s'approche de moi alors que je mange, sa fille de moins d'un an dans les bras : elle me la présente et me demande de lui toucher la tête : "Tu as mis ma fille en joie !" me déclare-t-elle ensuite rayonnante - c'est surtout la mère qui est en joie de la "bénédiction du Yovo" !...
Entre le manguier et les vendeuses de nourriture, quelques gamins nus jouent et me font des grands signes d'enthousiasme à chacun de mes passages : "Yovo ! Yovo ! Yovo !". L'image de l'un de ces gamins aux yeux brillants et au sourire resplendissant (et magnifiquement mis en valeur par le rapport de couleurs entre les dents et la peau), sautant d'enthousiasme à mon quatrième passage, me restera gravé pour l'éternité. J'ai bien peu de mérite pour un tel succès, mais la joie gratuite est communicative.
En fin d'après-midi, pause à Abotagon pour prendre de l'eau et recharger mon smartphone : je trouve tout au dispensaire, où je passe de très chouettes moments avec Ulrich et Abdias, jeunes infirmier et médecin qui se laissent rapidement apprivoisés. Ulrich me donne l'information qu'au Bénin, le bleu de méthylène est en vente absolument libre (et plus tard, il m'apprendra qu'on peut aussi se procurer très facilement de l'Ivermectine, réservée aux animaux en Tunisie et à la vente strictement contrôlée en France...). Voilà qui me donne encore un peu plus le goût du pays !
Puis nuit si paisible sous un arbre dans un champ, au-dessus d'habitations dispersées.
Jeudi 15 mai 2025
Une cinquantaine de kilomètres plus loin, arrivée à Zogbodomey en début d'après-midi : une grande église sur la gauche, j'y file pour la prière du milieu du jour. En partant, je repère un oratoire où des jeunes entrent et sortent : c'est un lieu d'Adoration très fréquenté, je me promets d'y revenir après avoir mangé.
Puis Charles m'accompagne à l'église et insiste pour me présenter au prêtre, Anastase, qui est charmant et qui connait bien la France (il a travaillé à Evreux et y retourne régulièrement). Puis il me fait visiter sa case. En reprenant la route, je reçois quelques gouttes : je préfère retourner un peu à l'oratoire... et une violente tempête se déclare. Anastase m'ouvre alors un local qu'il fait nettoyer pour que j'y passe la nuit. Messe à 21h (ambiance fervente, musique percussive et foule nombreuse : une chaude nuit d'été !), puis dodo (Bernard m'invite à partager son repas, mais je décline, fatigué).
Avec Charles et Anastase
Au matin suivant, Charles me tire chez Joé, qui fait une délicieuse huile de palme au goût de beurre. Il aura été mon guide à Zogbodomey. Je lui ai fêté son anniversaire en juin par un message chaleureux. Trop peu ?...
Avec Joé et Charles
Vendredi 16 mai 2025
Direction Abomey, l'ancienne capitale du royaume du Dahomey, qui donna son nom initial au Bénin jusqu'en 1975. Les palais royaux sont annoncés comme étant non visitables car en rénovation ; néanmoins, je me dirige vers le premier que je vois indiqué sur ma route. Surprise : pas du tout en rénovation, il est en pleine activité, avec un petit groupe de personnes qui attendent pour y entrer ! Renseignements pris, il s'agit du palais privé du roi actuel, où ce dernier rend la justice traditionnelle et prodigue ses conseils aux gouvernants. Le Bénin bénéficie donc d'un double système politico-judiciaire, celui hérité des anciens royaumes et celui amené par les Français.
Entrée du palais privé du roi d'Abomey
J'espérais pouvoir entrer, mais non, ce n'est décidément pas du tout dédié aux visites. L'ambiguïté des réponses données me fait patienter un bon moment, le temps de voir arriver deux grosses limousines d'où descendent le ministre des affaires étrangères et l'un de ses conseillers (avec hommes en armes) qui se vêtent d'un pagne pour aller consulter le roi ! Le temps aussi d'apprivoiser Juste, le gars qui m'a initialement reçu et qui fait entrer les personnes dans l'édifice (il est de la famille large du roi). Nous partageons un repas aussi succinct que sympa : les deux bons kilos d'oranges qu'Anastase m'a donné avant que je ne reprenne la route, et le sandwich à l'avocat (très populaire au Bénin) de Juste. Entre deux absences de ce dernier pour cause de groupes à accueillir, m'est proposé par un jeune (se présentant lui aussi comme étant de la famille du roi) de venir le soir mettre ma tente sur le balcon de leur habitation. Je ne sais pourquoi je ne le sens pas (le gars a l'air bien sous tous rapports pourtant), mais pour échapper à cette proposition je demande à Juste, avec un peu de culot, si je pourrais m'installer chez lui, dans son jardin ou sa terrasse. Affaire conclue ! On se donne rendez-vous le soir.
Au sortir de ma sieste dans mon hamac posé entre des maisons, un groupe de gamins me fait franchement rire : je suis maintenant habitué aux "Yovo ! Yovo ! Yovo !", mais là ils me font des grands signes et sautent de joie depuis des arbres un peu éloignés, et s'approchent progressivement. Je suis leur obligé, je me dois de leur répondre !
Les palais royaux (publics) sont bien fermés aux visiteurs, mais la cour de l'un d'eux sert de marché artisanal, et cela fait mon affaire : un grand espace avec de beaux bâtiments, et surtout un commerçants portant le même prénom que moi avec lequel s'oublient rapidement les questions de commerce pour un bel échange en humanité.
Franck et Franck (Tocayos !)
Il me reste un peu plus d'une heure avant de rejoindre Juste : je file tenter de rencontrer Mireille, une vieille "résistante du covid" dont m'a parlé Vincent de Chez les Belges. Je la trouve à Tata Édith, un lieu d'accueil touristique bien agréable. Elle a fuit la France le même été que moi (2022), se prenant une injection pour pouvoir prendre l'avion, se faisant arnaquer par des "amis béninois" qui l'ont roulé dans la farine (blanche...) côté logement, et qui semble ravie d'être chez tata Édith. Elle porte toujours avec elle un fétiche, qui représente son frère jumeau mort quand il était nourrisson et qui lui manque ; elle suit une tradition autour des jumeaux dans la Vodou (dont elle est devenue adepte). Nous projetons de nous retrouver à la fin de mon périple Chez les Belges avec Vincent et Espérance.
Avec tata Édith et Mireille
[Cela ne se fera pas, mais ce projet a amené Mireille Chez les Belges fin mai, et Vincent m'a dit que cela lui avait probablement sauvé la vie : la Mireille avait très naïvement prêté sa CB au fils de tata Édith qui, malgré la très grosse retraite de madame (plus de 3000 €/mois), avait réussi à la ruiner et à l'endetter... si bien que le prêtre vaudou dont elle était devenue l'amante et qu'elle entretenait menaçait de représailles potentiellement mortelles sa brouttée qui ne le nourrissait plus... Vincent a réussi par ailleurs à régler sa délicate situation administrative : arrivée avec un simple visa touristique de trois mois, elle était donc en complète illégalité, et il a fallu une combine serrée pour arriver à la faire rapatrier en France pour raisons sanitaires... Une vieille dame complètement perdue...]
Je retrouve Juste comme convenu sur la grande place de la ville, et il me mène manger chez sa belle-sœur qu'il va visiter tous les soirs (sa femme et ses enfants sont à Dassa, où je passerai plus tard) : son frère est militaire et a été envoyé dans le nord du pays où sévissent les djihadistes (des dizaines de morts parmi les forces armées depuis le début de l'année). Quel privilège (à nouveau) d'être accueilli en famille ! Je nous paye ensuite une bière en ville et là, Juste est appelé par un inconnu quelques minutes. Il me dira pourquoi ensuite : repéré avec un Yovo, on le met en garde contre l'éventualité de relations homosexuelles... Je découvre cet aspect beaucoup moins sympathique de la société béninoise, où tout le monde surveille tout le monde...
Mais nous sommes de grands garçons : lui dort dans la petite chambre de gardien de la maison de sa tante absente, et j'installe ma tente sur la terrasse des lieux.
Abomey, le musée (fermé) de jour comme de nuit
Samedi 17 mai 2025
Juste, avant de retourner travailler au palais, m'accompagne en mobylette jusqu'à Bohicon où je retrouve la Nationale et file vers le Nord à toute trombe...
Sur la route, avant l'orage, un xième attroupement de gamins en fête, alors que je viens puiser un peu d'eau.
J'ai le temps de sécher et de lire un peu... jusqu'à l'arrivée de deux membres de la Police républicaine qui, très gentiment, m'expliquent qu'ici, c'est un poste de surveillance de la route, qu'ils vont y rester et que moi je ne peux y dormir. Me voilà donc, vers 18h15, de retour sur mon vélo et sous quelques gouttes de pluies qui s'évaporent peu à peu. Je roule une bonne heure, jusqu'à la nuit, et trouve dans la brousse un endroit pour planter ma tente. Les arbres ruissellent encore, mais la nuit sera sèche.
Au petit matin, je suis réveillé par les chants des oiseaux qui sont juste au-dessus de moi et ignorent ma présence : un vrai cadeau de la Vie et de la nature !
Dimanche 18 mai 2025
Deux bonnes surprises m'attendent lors de la messe à Notre-Dame-de-Toutes-Grâces de Paouignan où j'arrive après avoir dévoré de belles mangues achetées le long de la route : l'homélie n'est pas trop longue, et surtout consiste en un dialogue plein d'allant avec les enfants (et les adultes volontaires) de l'assemblée ; et à la fin, quand un laïc gâche tout par une interminable diatribe suivi des comptes de la paroisse (une coutume béninoise semble-t-il de terminer beaucoup de messes par les questions d'argent...) et qu'il va pour se faire bénir par le prêtre... celui est trouvé en flagrant délit de roupillon profond ! Deux petits signes qui ne trompent pas : je suis bien en terres franciscaines ici !
Jean-Marie, le prêtre capucin que je vais féliciter à la fin pour son homélie aussi courte que vivante, m'invite à partager le repas de midi avec la petite communauté, et m'autorise à poser ma tente pour la nuit sur la terrasse d'une salle paroissiale. J'ai aussi le droit à une douche : du luxe ! Le lendemain, on me proposera de partager un petit-déjeuner autant délicieux que fraternel. Je suis béni ! Les frères me confirment qu'officiellement, il n'y a pas de risques djihadistes jusqu'à Parakou, où je prévois de terminer ma virée vers le nord, mais que les terroristes sont peut-être déjà dans les environs sans qu'on puisse le savoir...
Je suis surtout frappé de retrouver, comme à Zogbodomey, une ferveur simple : de tout l'après-midi, l'église ouverte ne désemplit jamais, des petits groupes ou des individuels y viennent prier en silence ou en chantant, assis, agenouillés ou étendus sur le ventre. Un goût de Taizé... ou simplement une dynamique africaine, là aussi dans une bourgade toute simple. Le christianisme, qui ne représentait qu'environ 10% de l'Afrique noire au début du XXe siècle, a rejoint maintenant plus des 2/3 de la population, toutes dénominations confondues (y compris les très nombreuses Églises locale, comme celle du Christianisme céleste). C'est la région du monde où il a cru le plus vite depuis un siècle : le prochain pape sera noir ou ne sera pas ?
Un inconnu m'envoie un message sur WhatsApp. Je lui demande comment il a eu mon numéro : "c'est dans l'un de mes réseaux" / "Lequel" / "Je ne sais plus...". Il a un excellent niveau de français (il est prof) et habite Bohicon que j'ai quitté la veille, trop tard donc poru une rencontre. Il me contactera (comme bon nombre d'autres) jusqu'à début juin, jusqu'à ce que l'un deux me propose de nous voir dans un bar avec l'arrangement suivant : "Et c'est toi qui paye". J'envoie balader ce nouveau broutteur... et, sans le savoir, tous ces mecs qui étaient en réseau et qui guettaient leur proie, le Yovo !...
Quelques perles dans les noms de boutiques croisées le long de la route :
"Ets DIESEL de DIEU"
"DON DE DIEU
DITE PÉPÉ
VENDEUSE DU
SUPER GARI"
"SOEUR COUTURIÈRE DITE DON DE DIEU"
Lundi 19 mai 2025
Avec Lucrèce et Coco, de l’Église du Christianisme Céleste (j’ai fait la sieste juste à côté de l’une des nouvelles chapelles de cette Église qui a le vent en poupe - la chapelle est pour l’instant de branchages, la tôle et les briques arriveront "quand Dieu fera son miracle!" - je crois qu'on espérait surtout le miracle du Yovo... qui n'arriva pas !)
Une perle d'entre les perles :
Ludovic m'a montré sa petite chambre à 2000 FCFA (3 EUROS) / mois, puis m'a mené à l'église de son guérisseur, qui était en vadrouille à ce moment-là.
J’ai passé la nuit près de son église et rencontré au matin Bernard Dannon, le prêtre-guérisseur (01 97 80 03 95). À toutes fins utiles...
Mardi 20 mai 2025
Acheter une petite gourmandise béninoise hyperénergétique (bâtonnets d'arachide mortellement durs pour les pansements dentaires...) s'est transformé, à l'entrée de Savè, en salon dans la rue : séances photos et échanges avec les deux frères de la boutique de rue Alfred et Eusèbe, puis avec Cherif, converti excommunié par sa famille, parcours qui m'a forcément touché.
Avec Eusèbe
Avec Alfred et sa fille, très effrayée par le Yovo !
Avec Cherif
Cherif, musulman d’origine, a tout quitté pour le Christ suite à la rencontre avec un missionnaire dont les paroles ont fait tilt chez lui : "seul Jésus sauve !" La lecture des Évangiles a fini de le convertir. Sa famille l’a ostracisé, qu’importe : il est heureux de marcher avec Jésus vers la vie éternelle ! Et il a même été libéré d’un maléfice d’enfance lié à sa mère... [Mais quand, durant l'été, il m'a envoyé des vidéos évangélistes intégristes attaquant les pratiques catholiques et promettant l'enfer aux femmes portant des pantalons, j'ai opté pour le silence et la pause relationnelle puisqu'il ne semblait n'avoir rien d'autre à me dire, et surtout ne pas être dans un état de dialogue mais uniquement de croisade ; il est le type de converti qui, tout en quittant l'islam, a trouvé dans un certain évangélisme une structure religieuse comparable faite de règles, d'exclusions et d'anathèmes, qui n'ont rien à voir avec ce que je saisis du message de Jésus, celui qui me fait vivre...].
Pour la pause de midi, j'entre dans une église atypique d'Alafia : une partie du toit a été supprimée pour laisser passer un fil électrique municipal, la nouvelle église étant en construction un peu plus bas.
J'y laisse mon vélo et mon sac, et alors qu'arrive un énorme orage, je me réfugie dans la première boutique vendant des repas Je suis forcé d'abandonner mon traditionnel riz au poisson pour la découverte culinaire du mois : l'igname pilé, un délice absolu ! J'en reprends, ce qui est une exception.
Au soir, j'ai un étrange coup de barre en traversant un village après Kokoro, le premier et le seul coup de barre de mon périple. Je laisse le vélo sur le haut de la route et m'assieds dans le talus. Un jeune s'avance alors pour m'apporter un grand bol d'eau ! Il a un petit bouiboui de rue, je m'y installe pour manger. Deux chauffeurs me rejoingnent et décident qu'il me faut prendre de la viande : il me partagent un peu de leur large plat. Décidément, ils sont bien sympas tous ces gars, et si loin des clichés Yovos / Méwis. Cela fait du bien au corps, "et dans mon âme ça brûle encore, à la manière d'un feu de joie !"
Un peu plus loin, je cherche où planter ma tente et rencontre Septime, collègue instit d'un hameau. Il m'aurait bien reçu s'il n'y avait pas eu la surveillance rapprochée des voisins... En définitive, il doit s'en tenir à m'offrir de me laver dans la "douche" à l'air libre installée au milieu des habitations (ce qui était parfait) : ici, dans ce lieu ouvert, aucun risque du qu'en-dira-t-on... Il m'accompagne en moto jusqu'à la route, je dépasse le village et vais m'installer à l'écart au milieu des arbres (toujours ni serpents, ni lions, ni fusils - mais ceux-ci ne devaient pas être loin...).
Mercredi 21 mai 2025
En quittant mon campement, je constate que la roue avant de mon vélo est crevée. Et mon sac ne cesse inhabituellement de tomber... Quelque chose résiste à ce que je continue d'avancer, je vais bientôt en avoir la claire confirmation...
Croqué par Léonard
Ma petite pompe me permet d'arriver en plusieurs étapes jusqu'à Kilibo, où Léonard m'a tiré d'affaire : mes trois tubes de colle à rustine étaient totalement secs (!), Léonard a découpé un bout de chambre à air et a réparé la mienne avec une bonne colle forte et un franc coup de marteau : du solide ! Il ne voulait rien, je l'ai bien sûr payé.
En revanche, j'ai accepté la mangue que je voulais acheter à Christiane (en plus des gâteries à l'arachide) mais qu'elle a voulu m'offrir. Un peu plus loin, Sylvie, qui m'avait annoncé un tarif pour une douche et pour remplir mes bouteilles d'eau... ne m'a plus rien demandé quand je suis sorti de ma toilette !
Je suis décidément sur un petit nuage, émerveillé par la générosité simple de ces personnes qui me connaissent pas et me donnent dans un rapport complètement libre des stéréotypes liés aux couleurs de nos peaux respectives. C'est bon la liberté !.. surtout tant qu'on peut en profiter...
Toui, le village voisin, n'a qu'une mosquée à m'offrir le long de la route pour prier et recharger (un peu) mon portable. Je vais ensuite siester un peu plus avant dans mon hamac installé dans la brousse, puis reprends la piste devant me ramener à la route. Sauf que je tombe sur un des campements de la Police républicaine que j'avais vus de plus en plus fréquents et populeux depuis un jour. Ce sera la fin de la première partie de mon périple à vélo.
Mercredi 21 (15h) - Jeudi 22 mai 2025
"Arrêtez-le ! Arrêtez-le !!!" hurle l'un des policiers que j'ai tiré de sa sieste.
Je suis déjà arrêté et ne comprends pas cette violence soudaine. Mes papiers (que je tends) n'intéressent personne, seul le contenu de mon sac a de l'attrait : je réponds sur le même ton qu'ils n'ouvriront pas mon sac, convaincu d'avoir affaire à des ripoux que espèrent un butin (c'est sûrement en partie vrai, mais j'apprendrai bientôt qu'il y a d'autres motifs plus graves...). L'un me filme pendant que j'annonce que je vais les dénoncer à leur hiérarchie - ils retirent alors immédiatement leurs noms fixés sur leurs uniformes... Mais la force est de leur côté : ils bloquent mon vélo et me font embarquer par la patrouille appelée en urgence : retour à Toui. Là, au commissariat, on me laisse recharger mon portable et même communiquer : j'ai le temps de prévenir Vincent de Chez les Belges qui me met immédiatement en lien avec une personne ad hoc, d'envoyer un message au Consulat de France à Cotonou, et de faire mon premier post sur Facebook, que je détruirai rapidement sur recommandation des services consulaires afin d'éviter de mettre de l'huile sur le feu. Suite à ce post, mon amie Séverine, qui vit en région parisienne, écrit au Consulat de France à Cotonou et finit même par les appeler ! (Adolescent, je l'appelais "ma sœur spirituelle" et j'avais bien raison : elle s'est vraiment comporté comme une sœur avec moi). J'ai voulu garder mon père et mon frère en dehors de tout cela pour en pas les inquiéter inutilement et pouvoir solliciter leur aide uniquement en cas de réelle aggravation de la situation, mais Facebook m'a, pour le coup, joué un mauvais tour : un cousin, le lendemain, a appelé mon père pour lui parler de mon arrestation (j'aurais dû prévenir ce cousin et lui demander la discrétion...).
Résultat : les services consulaires m'appellent très rapidement, me prodiguent conseils et informations et, au total, me rassurent. Ce ne sera pas de trop : quand le commissaire finit par arriver, il est extrêmement agressif et violent, m'obligeant à m'asseoir en me saisissant le poignet, me criant dessus et m'insultant... Je n'ose imaginer ce qu'il en aurait été si j'avais été Méwi et sans protection diplomatique...
Après une longue déposition (avec un policier aussi aimable que maladroit sur le clavier d'un ordinateur... mais pas pire qu'en France...), et le refus de donner mon smartphone au commissaire qui outrepassait ses droits, je suis embarqué dans une voiture.
Voilà un mix de mes échanges avec la permanence consulaire (vraiment très réactive, c'est appréciable et absolument professionnel), et de mes posts suivants sur Facebook (qui, parfois, reflètent simplement mon humeur à l'instant T...) :
Synthèse sur FB :
Sur FB le lendemain matin :
Vendredi 23 mai 2025
Samedi 24 mai 2025
Dimanche 25 mai 2025
Lundi 26 mai 2025
Au revoir (déchirant !) à Big
Mardi 27 mai 2025
Traversée laborieuse d'Abomey-Calavi jusqu'à rejoindre la côte puis, au soir, arrivée à Ouidah où je vais retrouver Victor Vako. Sur la route, les actualités me rattrapent : les députés français viennent de voter la loi sur l'euthanasie, avec l'horreur absolue : le "délit d'entrave" - encourager quelqu'un à vivre plutôt qu'à mourir pourrait être puni de 30 000 € d'amende et de trois ans de prison ! Vous avez dit culture de mort ?... Dans la Bible, Dieu nous dit : "Choisis la vie !" / "Meurs !" déclarent Macron et la plupart de ses alliés de "l'axe républicain". C'est clair : encourager quelqu'un à choisir la vie est en train de devenir un crime en France...
Belles retrouvailles avec Vako, qui me propose de planter ma tente dans le jardin de son ancienne maison, là précisément où il aimerait bâtir une école à dominante artistique : j'en fus le premier gardien... avant d'en être peut-être un jour le directeur !
Jeudi 29 mai 2025
C'est tout simple de rester là avec Vako et de revoir un peu la ville...
Vendredi 30 mai 2025
Avant mon départ, Vako me fait une surprise de taille : il m'offre un bounba (costume traditionnel) taillé sur mesure ! Je suis juste un peu décontenancé quand il m'en donne le prix (cela ne se fait pas du tout en France, c'est peut-être une coutume au Bénin ?...).

















































































Commentaires
Enregistrer un commentaire