Oaxaca : bruits, arbre, montagnes et histoire



             OAXACA doit son nom à l'hispanisation du nom de l'arbre majoritaire sur son site, le guaje ou huaje

La ville m'a d'abord rebuté : encore plus de nervosité et de bruits qu'à Mexico (circulation effrénée, coups de klaxon à tout bout de champ, parfois insultes entre conducteurs, annonces publicitaires radiodiffusées par des véhicules dès 7 heures du matin...).

Clin d'œil de bienvenue tout de même : le soir en arrivant à mon auberge, je suis reconnu et embrassé par Ana, avec laquelle nous avions, quatre jours plus tôt, improvisé un court pas de deux lors de la présentation publique du projet Intimidades radicales ! Décidément, danseurs et danseuses me poursuivent au Mexique…


            J'ai commencé à me réconcilier avec la ville en découvrant ses uniques spécialités de chocolat à boire et à croquer : fait sans beurre de cacao, seulement avec de l'eau, ce qui fait ressortir ses arômes fruités et épicés.

Puis j'ai été séduit par la double place du Zócalo et la large rue piétonne la reliant au vaste ex-couvent dominicain reconverti en Jardin ethnico-botanique (cela a failli devenir un parking...) et en Musée des cultures de Oaxaca (de l'Etat de Oaxaca, et pas uniquement de la ville) : 

        

Au Museo de las culturas, on ne s'est pas remis des traumatismes récents, à moins qu'on ne les entretiennent... Il y a heureusement des pièces plus sympathiques :

 

 

  

De l'exposition Una larga hebra...el encuentrosur le phénomène (ici massif) du féminicide 

De l'exposition sur le sacrifice d'Arthur Miller, Musée des cultures Santo Domingo, Oaxaca

Le double cloitre du couvent St-Dominique, exceptionnel


Le jardin ethno-botanique vu depuis le couvent

Le couvent vu depuis le jardin ethno-botanique 
 

 



Ballade dans le jardin ethno-botanique

Presque séduit aussi par le fourmillement de vie des places et des rues alentour – mais cela vire en fait à l'étourdissement, c'est l'ambiance du festival d'Avignon multipliée par trois (au moins...). 

Un défilé  de mariage habituel les samedis soirs dans l'hypercentre...

M'est revenue ce que me disait l'an dernier un prof de théologie mexicain, pour lequel il y avait dans son pays un fond de dépression psychique masqué par une frénésie et une exubérance de façade... Cette phrase aussi a fait sens la semaine suivante, lue dans le livre que Christine m’a offert au retour des vacances :

« Pouvoir dispersé égale bruit. Pouvoir concentré égale silence. »[1]

En tout cas, ne faire que passer par toute cette effervescence m'a suffi. Je suis allé découvrir quelques-unes des richesses alentours, dans des cadres plus tranquilles.


          À 10 kilomètres est MONTE ALBAN, sans doute le plus ancien et vaste complexe urbain de toute l'Amérique centrale, installé sur une plateforme taillée dans la montagne à un peu plus de 1900 mètres d'altitude à partir de 500 avant Jésus-Christ (bien avant le Parthénon donc). Le site domine la vallée de Oaxaca d’environ 400 mètres. Je l'ai trouvé splendide, et c'est sans doute le site archéologique mexicain qui m'a le plus touché, peut-être par sa localisation montagneuse. Sur la vaste plateforme sud, j'ai eu la surprise, alors que je finissais de danser les lettres hébraïques, de découvrir un vieux monsieur et une jeune femme qui s'étaient mis eux aussi à leurs mouvements...










Voilà pour moi l'élément le plus intéressant de Monte Alban, une sorte de menhir servant à marquer le temps :

1. Solstice d'hiver (ombre étendue : 4,4 m.)
2. Zénith (absence d'ombre)
3. Solstice d'été (ombre courte : 17 c m.)

Mais ne sont pas sans intérêt ces personnages (émasculés ? porteurs de handicaps ? prêts à être sacrifiés ? dansants ?) :

  

 

Ou encore ce crâne recouvert de turquoise trouvé dans une tombe (et exposé à Oaxaca) :

* À 15 km de la capitale, dans la direction opposée, se trouve EL TULE ["tulé"] et son arbre immense, peut-être le plus grand du monde (dit-on ici), pouvant accueillir sous ses branches plus de cinq-cents personnes et ayant entre 1500 et 3000 ans !







           *  En poursuivant, à un peu plus de 30 km de Oaxaca, on peut découvrir ce qui fut sans doute le plus ancien village zapotèque (le peuple majoritaire dans la région) : TEOTITLAN DEL VALLE

Les noms des rues y sont d'abord indiquées en langue zapotèque puis traduits en espagnol. Mais devant mon étonnement de trouver en plein pays de parler zapotèque un nom de village en náhuatl, Iván et Luis m'expliquent à l’office de tourisme que Teotitlán ("le lieu des dieux") est la transcription approximative de Xiguie’e (« le lieu enchanté ») en zapotèque[2], transcriptions que les Espagnols ont trouvé dans les registres des Aztèques et qu'ils ont conservé (toute la région avait été soumise et devait à l'époque payer un lourd tribut à l'empire des Mexicas).

            Le plus intéressant pour moi est ici l'église, exceptionnelle par son intégration, dès sa conception à l'époque coloniale, d'éléments du temple zapotèque d'origine à l'emplacement duquel elle a été construite. De toute évidence, il y a eu le (rare) soucis que les populations puissent faire le lien entre leurs coutumes d'origine et le nouveau culte chrétien imposé par les conquérants européens.








            Teotitlán : c'est là aussi que j'ai découvert le fameux tejate, boisson froide typique de la région faite d'un mélange de pâte de maïs, de cacao et d’amandes ; et l'absolument délicieuse mango piña, la mangue verte à la saveur d'ananas. Sur le marché, j’entends pour la première fois en directe des commerçants parler en zapotèque, l’une des principales langues originaires du Mexique – cela me semble avoir a un goût de japonais…

            Teotitlán enfin : c'est par là qu'est passé mon chemin pour aller marcher entre les Pueblos mancomunados, plus de mille mètres plus haut. C’est la prochaine étape…



[1] « Silence étant synonyme de pouvoir, quand nous atteignons le lieu du silence dans notre pensée, nous sommes à l’endroit du pouvoir, où tout n’est qu’unité, un seul pouvoir, Dieu : "Soyez silencieux et sachez que je suis Dieu". Pouvoir dispersé égale bruit. Pouvoir concentré égale silence » (Baird T. SPALDING, La vie des maîtres. Dans l’Himalaya vivent des sages aux pouvoirs prodigieux, Paris, J’ai lu, 2023, p. 36).

[2][2] Une autre dénomination du village en zopotèque est Xaguixe, qui signifie « au pied de la montagne », mais cela ne concernerait en fait qu’un lieu précis et non tout le village. Iván me précise qu’aujourd’hui, il y a un accord dans la communauté locale autour du nom de Xiguie’e comme dénomination d’origine. Je trouve intéressant que la communauté villageoise se réapproprie une partie de son histoire en retrouvant son nom.





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