Mexique, saison 2 : la fin des illusions ?

 

Deux jours avant mon départ, je ne me sentais pas la force de retourner au Mexique et d’y commencer mon nouveau travail – ma convalescence n’était pas finie, j’avais encore besoin de beaucoup de repos. Mais dans la nuit du samedi au dimanche, un refrain de Hermana Glenda m’a habité presque en continu, si bien que j’ai fini par comprendre que c’était une invitation à la confiance venu de… : « Alégrente en el Señor, no te angustias por nada ! » (« Réjouis-toi dans le Seigneur, que rien ne t’angoisse ! »). C’est donc sur un acte de foi que le dernier lundi de novembre je prenais l’avion, direction Mexico via Madrid. À mon arrivée, je fus frappé par une annonce dans le métro, qui faisait comme un écho au chant de la nuit : SHALOM, paix (quel paradoxe en ces temps sanglants en Israël-Palestine…).

Les lettres hébraïques n'ont pas dit leur dernier mot avec moi...

Quatre mois en France m’ont permis de revoir beaucoup d’entre vous, mais pas assez, pas tout le monde parmi ma famille et mes amis. Le temps s’enfuit… J’espère d’autres rencontres l’été prochain.

Cela a aussi été le temps de la déconstruction de projets. Cela a commencé en fait l'avant-veille de mon retour : un futur (à l'époque) collègue de l'université des Arts du Yucatán m'informe vers 21h qu'en définitive il ne veut plus garder mon vélo et le sac de mes affaires laissés chez lui trois jours plus tôt ! En urgence, Josefina (une de mes stagiaires de janvier) accepte de tout accueillir chez elle. Le "la" était malheureusement donné. Ensuite, une courte prestation de traducteur pour un colloque à Clermont-Ferrand est tombée à l’eau fin août. Puis mon vrai projet (aller enseigner Delsarte à la nouvelle Université ded Arts), a fait de même fin septembre : on m’avait pourtant fourni tous les papiers pour pouvoir renouveler mon visa de travail (tout allait effectivement étonnamment bien…), mais on a fini par me dire qu’il n’était pas possible de modifier le cursus des étudiants en danse, et comme Delsarte n’y était pas… Gros coup ! J’ai cherché du travail en France et au Mexique…et c’est à Mexico qu’on m’a embauché comme remplaçant au Lycée Franco-Mexicain ; un plein temps payé moins qu’un mi-temps en France, mais j’avais du travail, et dans un cadre sécurisant : c’est une étape de ma réconciliation avec mon propre pays

J’ai bien cru, le dernier lundi d’octobre, que tout cela été mort aussi : dans le Trièves, je suis tombé de nuit dans un trou en béton et me suis cassé six côtes… Mais au LFM, ils n’avaient personne d’autre, et on a reporté ma prise de fonction jusqu’à début décembre. Vélo impossible : j’ai dû abandonner mon projet initial de logement chez Claudia (à 10 km) pour me localiser à Coyoacán, dans le quartier de mon école…et louer une chambre sans l’avoir visitée. 

La vue depuis la porte de ma chambre

Des 25 m2 annoncés, il ne restait plus que 10 ; du « tout compris » initial se sont ajoutées les factures de gaz et d’électricité (et de poubelle, mais je ne les paierai pas) ; j’attends toujours la copie du contrat signé (tout comme Ludovic, un collègue et voisin, lui depuis quatre ans…), une terrible pénurie d’encre étant en cause… ; après m’avoir demandé ce qui manquait et m’avoir promis un rideau, on m’a répondu quand je l’ai réclamé : « ce n’est pas un AirBNB ici, ce n’est pas loué équipé ! » (on m’a quand même laissé le couteau, les trois fourchettes et cuillères et les assiettes que l’on m’avait fournis…) : je loue à une famille possédant tous les bâtiments du fond de l’impasse Privada Aurora, où l’un des portails porte en gros « Clausurado por violación de la lei » (fermé pour non-respect de la loi), bref à des magouilleurs qui font tout au black… Je fais donc le dos rond jusqu’à la fin de ma présence ici. Mais cette chambre a des avantages :  je suis à moins d’une demi-heure à pied de mon travail, et il y a une grande tranquillité dans ce quartier colonial culturel, beau et aisé : en profitant du décalage horaire, donc en me couchant très tôt, je peux continuer d’être allongé dix à douze heures par nuit, et continuer ainsi ma convalescence tout en prenant le travail. C’est un privilège dans cette ville hyper bruyante, j’en connais le prix. Ma voisine Laura est très discrète et sympathique, et elle a un merveilleux chat qui embelli nettement mon voisinage ! 

L'église Santa Catarina, qui donne son nom à mon quartier

Autre avantage de ma chambre : elle est proche d’une paroisse franciscaine découverte l’an dernier où je me sens à la maison.

La Virgen de Guadalupe dans l'église franciscaine.
Paradoxe : c'est par une bande-annonce (trouvée sur le site de France-Soir) du film-enquête Miracles de Pierre Barnérias...que je me suis réconcilié avec l'histoire de l'apparition de ND de Guadalupe (d'après les analyses chimiques, les pigments de l'image n'appartiendraient à aucune matière connue sur Terre...)

Elle est aussi à deux pas de Viveros de Coyoacán, où je passe au moins une heure par jour (marche, sieste, internet…). 



Je parle aux arbres
pour la première fois de ma vie et les remercie pour le bon air qu’ils dégagent la journée en recyclant à tour de branches l’immense pollution environnante. C’est mon refuge absolument vital en cette période où je ne peux guère m’échapper de la ville…




Je suis obligé d’avoir de la reconnaissance pour ma propriétaire, malgré tout, car le soir de mon arrivée, elle a accepté que je rentre trois jours plus tôt dans ma chambre : j’avais réservé trois nuits à Cuernavaca, où il fait plus beau qu’à Mexico, mais dans le bus qui m’y menait j’ai trouvé un message du propriétaire m’annonçant que c’était déjà loué ! (aucun geste de dédommagement proposé…). J’avoue que toutes ces « instabilités » mexicaines me sont difficiles à vivre…et me donnent le goût de ne peut-être pas prolonger l’expérience au-delà de cette année scolaire… C’est aussi une autre étape de la réconciliation avec mon pays.

Une autre étape a été d’apprendre par Christine, que j’ai remplacée à la superbe bibliothèque du LFM de Coyoacán, qu’ici l’épisode covid a été l’occasion d’un an et demi de cours en distanciel (merci à Blanquer de nous avoir fait retrouver le chemin de l’école dès la fin mai 2019), et d’injections C19 obligatoires pour tous les personnels éducatifs (entre autre) : je comprends, enfin ( !), que le Mexique s’était fait une réputation « d’exception sanitaire » à l’international en laissant ses frontières ouvertes, mais qu’il avait eu à peu près la même politique que la plupart des autres pays (je lui sais gré tout de même de laisser patients et médecins libres de tous leurs traitements). Christine m’apprend que depuis ses injections et Omicron contracté lors d’un voyage masquée en avion, elle développait une tumeur tous les quatre mois… Terrible. Il est possible que je reprenne au printemps mon poste de bibliothécaire… En attendant, elle cherchait de l’Artemisia annualis (utilisée à Madagascar contre le C19), j’ai pu lui en faire parvenir grâce à mon excellente amie Françoise qui en a envoyé à Diane, la fille de Christine basée près de Paris : ce sera son cadeau de Noël.

Le métro en abyme

Privé de vélo, j’ai découvert les joies du métro. Un côté captivant, comme beaucoup de choses ici, avec des stations « à la française » parfois couvertes de panneaux culturels et d’objets exposés, avec un cinéma et un musée, une rame bercée par de la musique etc. Mais (et c’est bien le rythme de cette deuxième saison à Mexico) : des chauffeurs parfois hyper brusques (j’ai été projeté contre des voisins ou des portes, au péril de mon sternum dont la convalescence a été perturbée), et certains comportements hallucinants : un dimanche, j’ai dû foncer épaule la première et me tirer d’un bras au milieu de la foule qui entrait dans la rame sans m’en laisser sortir… Un peu étrange aussi ces wagons réservés aux femmes, pour les protéger des attouchements… (mêmes problèmes que dans certains pays arabes, cf. le film Les femmes du bus 678 de Mohamed Diab). Tout cela me rebute…


Le musée du métro
Le ciné du métro

Je relisais mon texte de décembre dernier à Xochimilco, avec l’avalanche de fêtes et d’invitations, et toutes ces personnes heureuses de vivre – mais aussi cette omniprésence du bruit sous à peu près toutes ses formes… Dans mon quartier, très peu de sourires et de musiques vivantes : je comprends que ce que j’ai prêté aux Mexicains est en fait bien spécifique aux Xochimilcains…mais il y a la tranquillité à Coyoacán : je m’en réjouis cette année, et me réjouis de ce que j’ai vécu l’an dernier. Les sourires, heureusement, il y en a (cette année) avec mes collègues et la ribambelle d’élèves que j’ai donc tous rencontrés grâce à mon poste temporaire de bibliothécaire, l’idéal à tous les niveaux pour reprendre pied ici.



Au musée d'art populaire avec Claudia 

Démarches administratives bouclées ces trois semaines et nouvel article sur Delsarte rendu ce 22 décembre, il me reste à retourner à Mérida chercher mon vélo et mes affaires (mes deux chemises, deux pantalons et deux T-shirts ont fait l’affaire, mais c’est un peu juste…). Ici, j’ai retrouvé quelques connaissances (d’autres ont disparu, malgré les messages enthousiastes des derniers mois) et beaucoup plus de soleil qu’en France. Dans le Yucatan, d’autres connaissances m’attendent (combien seront au rendez-vous ?...) et du soleil encore plus. Mais les amis et la famille, c’est en France (et au Québec) qu’ils se trouvent, il faut un peu de temps pour s’apprivoiser et tisser des liens riches et forts…

Très belles fêtes à toutes et à tous !

Franck


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