Acapulco, mon amour ?

Acapulco a d'abord été une épreuve : une bonne heure de montée sous un soleil de plomb le long d'une deux fois deux voies, entouré de voitures et de bus vrombissants et de coup de klaxons fort peu sympathiques - le ton était donné, les gens d'ici m'ont peu séduit, je les ai même souvent trouvés sous-éduqués à vouloir me griller la politesse dans les files d'attente, tous âges confondus. J'ai quand même rencontré ces couples super sympas sur la plage...mais ces retraités de la police sont de Mexico, en villégiature par ici, pas des locaux du tout :Cette montée éprouvante par la colline est un passage obligé pour pénétrer par l'Est dans l'immense baie naturelle protégée par un écrin montagneux qu'est le site de la ville (il y a bien un tunnel autoroutier, interdit évidemment aux vélos). Puis il m'a fallu une dizaine de kilomètres pour longer toute la côte urbaine (la Costera), dans une circulation de fous (j'ai découvert des bouts de pistes cyclables un peu plus tard).
Mais une fois arrivé à l'autre extrémité de la baie, là où m'attendait la chambre en location la moins chère de toute l'agglomération, ce fut le coup de cœur : vue sur l'océan, hamac et grand lit, plage à trois minutes de vélo (le triple pour remonter tout de même), tranquilité, accueil sympathique de José et de sa famille, mangues tombées de l'arbre ramassées le soir en rentrant de la baignade de minuit (comme en Guyane jadis)... Si bien que les deux nuits initialement envisagées se sont transformées en deux semaines, où j'ai pour l'essentiel navigué entre ma chambre, la plage de la Caleta (protégée par l'armée 24h sur 24, donc accessible sans aucun risque de jour comme de nuit), le Zocalo et sa cathédrale ...et l'île de la Roqueta, juste en face de la Caleta.J'ai d'abord était séduit par une évidente exubérance joyeuse de la ville : musiques un peu partout, fête à toutes heures (on danse la Macarena en plein après-midi sur les bateaux de touristes ou dans les bars), bus tonitruants - j'ai même surpris un matou au miaulement le plus franchement amusant de sans gêne jamais entendu ! Certains arbres urbains ont cette même exubérance...
Séduit aussi par la présence paisible de l'océan,
par la beauté des couchers de soleil, 
par les poissons et fruits de mer qu'on achète encore tout dégoulinants d'eau salée ou qu'on peut déguster (sous forme du fameux Vuelve a la vida ou de spécialités plus locales) dans des cantines populaires léchées par les vagues,par les points de vues depuis les falaises...
Un soir, le caissier d'un supermarché fait mine de s'affoler devant ma carte bancaire soit-disant hors d'usage et, avant que j'aie pu l'introduire dans le terminal de paiement et saisir ce qui se passait, l'avait saisie, photographiée des deux cotés et avait donné un coup de fil à je ne sais quel complice... sans savoir que cette CB mexicaine ne pouvait pas être utilisée sur le net. Par précaution, je suis allé ensuite directamente faire un retrait et, alors que je repartais paisiblement, un jeune homme qui était à côté de moi dans le distributeur m'a rejoint en courant et m'a tendu...ma CB que j'avais oubliée dans l'appareil ! Un geste d'honnêteté qui annulait évidemment la fort mauvaise impression de l'arnaque précédente et renforçait ma bonne humeur associée à ce coin  d'humanité.Mais au bout de deux semaines, les perceptions évoluent un peu...

La cathédrale, petite, a une belle architecture intérieure harmonisée autour du bleu (couleur récurrente ici, des flots aux édifices et aux engins de transport) - mais une architecture hérétique, Marie trônant au-dessus de son fils... On s'y presse en costume ou en short de plage, en souliers ou en tongues. Le soir du mercredi des Cendres, au moins trois célébrations s'enchaînent, et on fait la queue des dizaines de mètres sur la place pour avoir une chance d'entrer. Les chants accompagnés à la guitare sont superbes, mais du silence il n'y en a pas, le grondement continu de la vie urbaine saturant l'espace. Et c'est fatiguant à la longue d'entendre en permanence une petite voix dire "assis - debout - assis - debout"...wouf wouf wouf...

Les taxis m'ont fait rire...

Les bus Costera (qui longent toute la côte urbaine), eux,  m'ont d'abord fasciné par leurs personnalités (décorations, lumières, musiques à fond la caisse allant des rythmes latinos à de la pure techno) et leur énergie (à fond la caisse du matin à la nuit, s'annonçant à coup de klaxons joyeux pouvant aller jusqu'à une sonnerie de trompette en alexandrins). De toute évidence, les chauffeurs se fendent la poire au volant, mais mieux vaut ne pas se trouver sur leur route... La séduction s'est arrêtée aux limites de mon quartier : une fois mêlés à la circulation générale, ces bolides semblant sortir tout droit d'un mariage sans fin étaient ce que je fuyais le plus sur mon vélo ! Ils ajoutaient à une effervescence routière telle qu'en comparaison, les chauffeurs de Mexico sont presque des enfants de chœur... Et quand, sur la fin de mon séjour, j'ai été amené à découvrir la vie nocturne de l'Acapulco de la Costera riche et touristique (celle à laquelle la plupart des gens doivent penser à l'évocation de cette ville), le charme est tombé - c'est à peu près le Saturday Night de Liverpool (musiques violentes envahissant les rues depuis les bars où les enceintes sont tournées vers l'extérieur), avec un peu plus de décence et d'euphorie et moins de décadence tout de même, mais assez de n'importe quoi pour être absolument repoussant pour le petit être fragile que je suis...
Un regard me reste, au milieu de ce tourbillon : celui un peu agard d'une femme aux cheveux gris croisé alors que je garais mon vélo un dimanche soir ; je l'ai revue s'éloignant alors que je m'en retournais, elle portait un vaste sac en plastique plein de bouteilles écrasées, sa dérisoire fortune qu'elle allait revendre le lendemain 5$ (0,25€) le kilo et qu'elle transportait comme l'escargot sa coquille... Je pense parfois à elle et aux pauvres gens qui passent leurs journées à essayer de vendre des babioles pour survivre ; je pense à eux avec tendresse et leur envoie un peu d'amour...

L'île de la Roqueta, c'est ce qu'il me fallait ! Au loin la folie urbaine...

On m'avait dit que l'armée y veillait aussi et qu'il n'était pas possible d'y camper... si bien qu'un dimanche soir j'ai traversé à la nuit tombante sur mon nouveau matelas gonflable ! Une nuit de rêve, au milieu des arbres et des clameurs  des eaux.

Subitement, la belle agitation de la ville m'a semblé fatiguante :  j'ai retrouvé le grondement sourd de l'océan, mille fois préférable en définitive au brouhaha de la ville remplaçant le silence à la cathédrale. Et voilà les coups de klaxons des bus Costera qui traversaient le canal entre le continent et la Roqueta bien plus vite que je ne le fais fis sur mon matelas ne m'ont plus du tout séduit... 
 Les voisins du matin ou du soir : les hurracas, bien plus beaux que la vieille tortue et bien plus habiles au chant que mon copain l'âne !
 Si sur la plage de la Caleta je pouvais danser les lettres et me baigner, durant la journée c'était toujours au milieu d'une foule sympathique (et de Mexicains très majoritairement), des musiques de fanfares et de cris de gamins ; quand, sur la Roqueta, j'ai découvert la petite plage des Enamorados où j'ai pu danser nu avant l'arrivée des premiers bateaux (qui m'ont amené...une famille avec trois élèves de mon ancienne école de Mexico !), je me suis dit que c'était là que j'avais envie de rester. Si bien que deux jours plus tard je refaisais la traversée de nuit sur mon matelas, avec assez d'eau pour les trois jours où j'allais jouer au chat et à la souris avec les marins demeurant sur place (forts polis et sympathiques par ailleurs), découvrir le petit musée (présence humaine des centaines d'années avant notre ère),digérer l'avortement du projet avec l'école de Mérida... et finir par me faire piquer mes nouvelles affaires que j'avais à nouveau mal cachées le troisième jour ! Mais j'ai eu à faire à des voleurs sympas : ici et là, j'ai retrouvé ce qui ne les intéressait pas, assez pour dormir sur la sable à la belle étoile dans un paysage simplement grandiose, et repartir le lendemain matin à la nage, aidé d'un gilet de sauvetage décousu trouvé dans la nuit, une ribambelle de quatre petits paquets flottants lestés de douze bouteilles en plastique ramassées sur les plages accrochés à une corde amarrée à mon gilet d'un jour. Trois heures d'aventure à contre-courant qui en font la plus longue nage de ma vie - y'a plus de jeunesse !

Alors tombé en amour avec Acapulco oui, mais avec mon Acapulco, son île de la Roqueta et son calme quartier de Las Playas. Le goût d'y revenir, si Dieu veut !

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