Sur "uh luumil mayaoob" (la terre des Mayas) (2)



Aller-retour en vélo Playa del Carmen - Tulum pour initialement y visiter de façon expresse le site portuaire maya surplombant majestueusement la mer (David m'avait motivé avec ses photos). Cela s'est transformé en trois nuits sous tente à échapper aux délires touristiques locaux (la rue menant de la ville à la mer a toutes les allures d'un couloir d'aéroport, avec d'énormes pubs en anglais) et pour y faire, contre toute attente, de nouvelles belles rencontres avec des membres du peuple maya actuel (Mayas de sang, ou criollos Mayas de tout cœur, pour partie de sang). Pendant ce temps-là, l'armée assure la sécurité sur les plages bondées (comme dans tous les lieux touristiques) :
C'est assez simple en définitive de découvrir des relations nourrissantes : il suffit de chercher à manger pas cher.
 Derrière le Palacio (c'est comme cela ici qu'on désigne l'hôtel de Ville), une rue avec d'un côté l'église catholique (où il y a l'Adoration perpétuelle silencieuse, un cadeau), et de l'autre, bien loin (mais rien n'est loin en vélo)... un pan de mur ouvert, une grande table sous un abri en bois, des maisons traditionnelles mayas autour d'un jardin et une ambiance simple qui m'attire, à deux pas des buildings à touristes.
Le tamale (préparation à base de farine de maïs présentée dans une feuille de bananier pliée) y passe de 240 pesos (hotel cinq étoiles sur la plage où on me propose de consommer pour prendre une douche) ... à 15 pesos ! Le plus : des aguas de sabor (jus de fruits coupés à l'eau) faites maison, des sourires, des conversations chaleureuses pleines d'enseignements (j'apprends de nouveaux mots en maya - en particulier mis, chat, l'hôte des lieux - et j'en apprends sur le pays).
En face, de l'autre côté de la place, on me dit qu'il y a une église différente de la première (mes restaurateurs ne sont ni de l'une ni de l'autre, mais Évangéliques). Un court passage ce samedi m'y fait assister de l'extérieur à un bout de prière ressemblant à un office orthodoxe. On m'accueille gentiment et on me donne vaguement un horaire pour le soir, avec la consigne de venir avec une bougie. Et on m'indique qu'il s'agit là de l'Église chrétienne maya. Quesako ? Mais rien le soir. Dimanche matin je retente ma chance : Benjamín, d'abord méfiant (nombreux ont été les Occidentaux venus soit-disant pour prier et qui ont fait des films en douce, postés ensuite sur le net...) finit par me prendre à la bonne...sans me donner d'info très claire côté horaires. Je retente ma chance le soir, équipé de ma bougie : on m'accompagne à l'intérieur, j'attends en priant devant des ciergee allumés, une grande croix et une poupée format XXL...mais l'office n'arrive pas. Je n'attends plus rien et m'installe à l'extérieur contre le mur pour boire une copieuse agua de sabor et grignoter des biscuits... quand Benjamín me rejoint. Il est marrant avec ses cheveux quasi blonds tranchants avec ses plus de 60 ans, son rôle de père de famille et ses fonctions dans l'Église chrétienne maya (où il est très investi depuis l'épisode C19 qui lui a fait perdre son juteux boulot auprès des touristes). Il me donne des informations précieuses. Cette Église est née de la Guerre des Castes qui, pendant plus de cinq décennies (1847-1901), a été le plus grand défi depuis la Conquête des populations mayas envers les descendants des colons espagnols : les riches propriétairs terriens qui les exploitaient, les détenteurs du pouvoir politique et du pouvoir religieux. À Tulum, dans le temple des ruines du port, les Résistants avaient installé une grande croix qu'ils vénéraient - je crois avoir compris que c'est là qu'ils furent massacrés. Mais un terrain avait été acheté dans la partie populaire de la ville, et depuis y perdure cette Église syncrétique (on y continue les offrandes traditionnelles mayas tout en vénérant la Croix dans la langue du pays d'antan). Nous restons plus d'une heure à échanger (des paroles et des biscuits) et gardons le contact - Benjamín est mon prof de maya occasionnellement (par exemple pour le titre de cet article).
Quelques jours après notre rencontre, il m'écrira :"Pour que tu voies que nous autres, les gens du Yucatan, sommes très chaleureux et aimables, mais il y a des fois où les autres abusent de notre humilité."
Il résumait malheureusement l'essentiel des relations entre les Mayas et les Occidentaux, sans doute accueillis avec cœur dès le XVIe siècle...
En cherchant où planter ma tente le premier soir, j'avais rigolé en découvrant à proximité de mon spot cette déclaration de sainteté - ici, on m'appelle souvent Pancho, version mexicaine du Paco espagnol, diminutif de Francisco (qui passe infiniment mieux que Franck, inconnu au répertoire des prénoms en espagnol, et que du coup on m'attribue généralement). Je m'étais installé juste de l'autre côté des ruines de la Tulum d'antan, alors l'un des plus grands ports marchands de la région  - un bois nous séparait. Le site est génial, avec vue sur la mer - ou vue sur les ruines si on a les pieds dans l'eau !

Le temple des anciens Mayas où furent massacrés les Résistants de la Guerre des Castes.
Au retour, lundi, les bonnes indications de mes restaurateurs me permettent d'aller me baigner dans le seul cenote populaire (gratuit pour tous) de la région - privilège du cycliste qui arrive à rencontrer les bonnes personnes et qui est libre de ses mouvements ! Une petite merveille...
Playa del Carmen : pour échapper à Gringolandia, fuir la rue piétonne où jour et nuit sur des musiques tonitruantes défilent les touristes (un peu hébétés et tristes je trouve), passant d'un bar à un restaurant à une boutique souvenir à un mall à un tour operator à un hôtel. Quelques rues plus loin, s'installer chez Marta et déguster ses plats deliciosos arrosés d'aguas de sabor de toutes les saveurs et de toutes les couleurs, l'ensemble accompagné de sourires, de rires et, éventuellement du White Album des Beatles lancé sur le net à partir de Martha my dear ! Au milieu des riches résidences, visiter rapidement les quelques petites ruines qui attestent de la présence maya sur ce site depuis des siècles, se baigner dans la mer délicieuse puis sauter dans un bus... 
Depuis Cancun, David s'envole pour Oaxaca, je l'accompagne pour une nuit. Ici, la recette est de choisir l'auberge la moins chère, à huit kilomètres du centre - merci au vélo pour s'y rendre, et pour déguerpir le lendemain.

Pas si vite Coco ! (titre d'un super film d'animation  made in USA sur le Día de Muertos) : crevaison de la roue arrière + mort non annoncée de ma pompe made in France - j'en achète une dans un magasin d'outils opportunément présent dans ce quartier périphérique et mexicain de la Mecque du tourisme nord-américain. Puis c'est parti pour six jours de vadrouille le long de la côte nord du Yucatan.
Sauf que dans le dernier village au bout de la route que je suis jusqu'à la nuit, le maire est formel : aucun chemin ne permet de continuer plus à l'ouest, es puro monte ("ce ne sont que des monts" en espagnol ce qui, en version mexicaine, donne "ce n'est que de la forêt"), avec scorpions et serpents vénéneux... Je m'incline, rebrousse chemin et... la roue arrière de mon vélo explose ! J'avais vu effectivement que le pneu risquait de s'ouvrir, trop usagé... Ah, mon imprévoyance parfois... Suant, je pousse un peu la bécane jusqu'à croiser une église surréaliste, sans portes ni fenêtres, tout illuminée en pleine nuit, petit havre de paix où m'est soufflée la sagesse du soir : aller planter tranquillement la tente en bordure de forêt et attendre le lendemain. Il est près de 22h et je suis à 40km du premier bourg...
Au matin, je tends le pouce à la première voiture en vue et, contre toute espérance, Eulocio s'arrête, installe mon vélo à l'arrière de sa grosse Mitsubishi et me fait monter. J'ai à peine eu le temps de lui conter mon histoire qu'il a déjà fait demi-tour, se casse le nez sur deux magasins de brousse, prend en stop Guadalupe et la dépose devant sa boutique, et là quasi-miracle : il y a le pneu et la chambre à air qu'il me faut ! L'espace du trajet qui, dans une bonne humeur pleine d'humour, nous mène à sa propriété, nous découvrons que nous partageons quelque chose en commun avec Bach (dont il fredonne des airs) et Benito Juárez (le "père de la nation mexicaine", qui a judicieusement séparé l'Église et l'État plus de cinquante ans avant la France - il était d'origine amérindienne, ce qui a dû bien le motiver vu les monstruosités perpétrées par les catholiques au nom du Christ, ici comme partout dans le monde...) : la date de nos naissances ! Être en si bonne compagnie accentue le sentiment de communion entre nous...si bien qu'une fois le vélo réparé, Eulocio me propose de partager avec lui quelques œufs de ses poules et cailles, m'ouvre ses douches, me fait la visite de sa propriété, me laisse installer mon hamac pour une bonne sieste, non sans m'avoir invité au concert que son Église organise ici le 23 décembre pour le prochain Noël ! Comme ma grand-mère paternelle Paulette et ma belle amie Simone (94 ans), Eulocio est responsable de l'animation du culte quand le pasteur n'est pas là. Il m'apprend que les Évangéliques seraient majoritaires dans le Yucatan, conséquence du rejet de l'Église catholique associée à la conquête, mais aussi de l'attachement profond à Jésus d'un grand nombre des Mayas d'aujourd'hui. Me reviennent alors les innombrables petits temples de village croisés en vélo depuis Villahermosa. À 56 ans, Eulocio est déjà retraité de la Comision Federal de Electricidad (l'équivalent mexicain d'EDF) après trente-et-un ans de bons et loyaux services ! Sa femme, enseignante en préscolaire (maternelle) devrait pouvoir bientôt bénéficier d'un raccourcissement de sa durée de travail (la loi est en discussion au Parlement mexicain). Dès qu'ils seront tous les deux à la retraite, ils pourront quitter Cancun et venir s'installer sur ce terrain de deux hectares qu'Eulocio a acheté afin de garder une activité, et qu'en quatre ans il a transformé en petit paradis (avec deux employés vraiment très bien payés - à peu près l'équivalent du salaire d'un prof - tout en étant nourris et logés) : une maison, une sorte d'immense carbet pour accueillir repas et groupes, un bloc sanitaire avec douches et WC, des allées de gravier blanc, un étang où coule une cascade artificielle, de l'eau pure puisée directement dans le réseau souterrain des cenotes, des fleurs, des animaux... Tout ici respire la vie. Pour ajouter à notre communion, nous découvrons notre état commun de "Résistants-non-injectés", et partageons des nouvelles de la plandémie dans nos pays réciproques : à l'interdiction des traitements précoces chez nous a répondu ici l'autorisation de l'Hydroxychloroquine et de l'Ivermectine mais, au moment des phases aigües, à leur étrange rupture d'approvisionnement... Dès que cela a été possible, Eulocio a fait un stock d'Ivermectine, qui lui a servi à guérir autour de lui des personnes qui en ont eu besoin. Il m'apprend l'épisode hallucinant de ce paquebot de Gringos avec quatorze touristes covidés, interdit de retour aux USA, et que le gouvernement de Mexico a obligé les autorités locales à accueillir sur l'île de Cozumel au printemps 2020 : ainsi s'enclencha la contamination du Yucatan, youpi... C'était-t'y pas bien organisé tout ça ?... En fin d'après-midi, plutôt que de reprendre le sentier au milieu des bois pour rentrer à Cancun, Eulocio passe par la route, ce qui lui permet de m'avancer de quelques bons kilomètres.
À ma question sur ses origines, il me répond : "Je suis créole mon ami, tristement créole. Mais Colon n'est pas venu découvrir, il est venu saccager". Si Eulocio ne parle pas la langue de ses ancêtres, c'est lui tout de même qui m'apprend la juste prononciation de diosbotík, merci.
J'ai gagné une amitié...et une invitation à un concert pour Noël, merci Seigneur !
La suite du voyage a été un ravissement devant des petits villages côtiers tous plus beaux les uns que les autres : El Cuyo, Las Coloradas - San Felipe et Dzilam de Bravo surtout, les pas du tout touristiques et les plus séduisants pour moi.
Entre San Felipe et Dzilam de Bravo, impossibilité absolue de passer : je me suis retrouvé le soir devant ces paysages incroyables faits d'eau salée et d'arbres montés sur racines amphibies, qu'ici on appelle sienega. Une barrière de paix infranchissable !
Et ravissement des spots où j'ai planté la tente, souvent à quelques pas de la mer, ou de la réserve de flamants roses et de pélicans entre El Cuyo et Las Coloradas.
Au vrai, la beauté du dernier village craquant rencontré - Dzilam de Bravo - a toute été dans les relations humaines et dans le calme d'une berge donnant sur un grand large paisible, car j'y suis arrivé de nuit. À Dzilam Gonzalez, 13 km dans les terres, j'ai été décontenancé par l'extrême amabilité de la plupart des personnes rencontrées. Très très souvent, depuis le début de mon périple en vélo le 4 janvier, j'avais apprécié les salutations vraiment fraternelles et super chaleureuses reçues de parfaits inconnus. Mais là, c'était un degré de plus : on me souhaitait la bienvenue, on venait me parler...j'en étais presque gêné. Sur la route menant à Dzilam de Bravo, au bout de quelques minutes une lumière me suit, celle d'une moto. Le jeune couple qui la monte s'approche pour m'expliquer que la route pouvait être dangereuse et qu'ils allaient me protéger jusqu'à bon port (j'avais pourtant mon feu arrière rouge bien allumé et visible). Et ils ont effectivement roulé au rythme du vélo durant 8 km ! Attendaient-ils quelque chose en échange ? Une fois arrivés sur la place du village, ils me souhaitent bonne nuit et disparaissent. De la pure bonté. C'est rarissime... En cherchant une poubelle, je tombe sur un groupe de gars en train de construire un immense poisson : ils préparent un char pour le défilé de carnaval de février. David, criollo venu avec sa fille, me fait la conversation pendant que je mange un peu de la nourriture qu'on m'a proposé avec insistance de finir (il est 23h, je suis déjà repu, eux aussi). On se parle de la qualité de l'accueil ici et des déconvenues du passé - "Tu sais ce que l'empereur aztèque a offert à Cortés quand il est arrivé ? Du chocolat chaud ! Puis on l'a assassiné, et on a torturé son successeur..." Dans un registre plus léger, il m'apprend mon dernier mot de cette partie de mon voyage : "Ils sont tous mayaté" me dit-il en rigolant et en désignant ses camarades. Dès supers Mayas ? "Non, ils sont tous gays !". Les autres rient de bon cœur et avec douceur, le muet-pas-du -tout-sourd du groupe compris. Il était l'heure pour moi d'aller chercher un coin pour ma tente quelques kilomètres de plage plus loin, mais Dieu que leur compagnie m'a été agréable. Comme à San Felipe, je me promets de repasser si je suis à nouveau dans la région durant les mois qui viennent.


Écriteau lu devant la merveilleuse petite plage de Marnola sur la route de Progreso, juste avant que ne reprenne le délire urbanistique lié au tourisme :

"NADA TE ALIVIA EL ALMA COMO EL SOL, EL MAR, ARENA Y PLAYA"

Oui, rien de mieux pour t'apaiser l'âme que le soleil, la mer, le sable et la plage !

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