Xochimilco, mi barrio
Xochimilco, mon quartier actuel
Xochimilco peut se traduire par « lieu du champ de fleurs » en nahuatl (l'une des langues des peuples premiers du Mexique, en particulier des Aztèques ou Mexicali)
Par une nuit de début octobre, j’ai donc atterri
au cœur de Xochimilco, un quartier populaire et traditionnel à une
vingtaine de kilomètres au sud du centre de Mexico. L'air y est nettement meilleur que là-bas : le périphérique est loin derrière nous, et ici c'est la plus grande zone urbaine verte, avec un très beau et grand parc écologique, et des cultures un peu partout. Il me faut deux heures environ
pour faire le trajet, mais au moins la moitié du chemin en vélo se fait le long d’une
série d’aménagements permettant d’éviter les voitures, ce qui a été déterminant
dans mon choix. On commence le long d'une piste olympique pour avirons, ce qui assez génial (ça change des hurlements des camions, voitures, motos and Co du reste de la ville), puis, pendant presque une heure, on chemine le long du Canal Nacional (seulement deux gros boulevards et quelques rues à traverser, sinon c'est du vert et du calme, soit une exubérance de luxe urbain !).
Et j’ai opté pour un logement à hauteur de ce que je gagne actuellement : 1700 pesos (85 euros) de revenus pour les deux heures de cours hebdomadaires de français que je donne à Paola, une jeune chercheuse en biologie médicale ; 1800 pesos (90 euros) de loyer mensuel. Je tourne, pour le reste, sur ce que j’ai gagné en septembre à l’école française.
Je me suis d’abord dit que j’étais arrivé dans
un lieu aux standards de l’Arche de Lanza del Vasto dans ses grands jours, mais
non en fait, ici j’ai beaucoup plus de confort : à l’Arche on faisait
(fait encore, parfois ici ou là) chauffer son eau avec un feu de bois pour
prendre sa douche ; ici, j’ai l’électricité et il suffit d’une résistance
électrique pour se doucher ou pour cuisiner ! Le luxe, presque excessif… Mais un seul point d’eau pour tout : vive les sceaux d'eau pour les multiples
transferts quotidiens !
L’harmonieux studio de yoga (en fait des Haré Chrisnas)
de Chapultepec a laissé place à une vaste pièce au sol aléatoire, repeinte en
bleu juste avant mon arrivée, avec un coin pour le lit caché par un tissus tendu
entre deux poutres, une grande table pour bureau, un petit coin prière et un
restant de meuble branlant pour poser mes habits. Les fenêtres en plexiglas n’ouvrent ni ne
ferment et retiennent à peine un peu de chaleur la nuit, qui de toute façon s’évacue
par les hauts de murs souvent non ajustés au toit ondulé qui a été posé dessus.
Les soli des chiens du quartiers, ou leurs symphonies intempérées, m’arrivent
presque en ligne directe… C’est le seul vrai désagrément du lieu. Mais adios les divers bruits de la rue de
Chapultepec, et mieux vaut mille fois les aboiements en plein air qui s’évaporent un
peu, que ceux des perros coincés
entre quatre murs qui résonnent et déchirent les tympans…
Je suis censé partager une « salle de bain »
avec des voisins qui ne sont pour l’instant pas arrivés : à moi seul donc
le lavabo sans eau, le WC sans couvercle ni eau ni cuvette, et la plateforme de
douche qui attend soir et matin son grand sceau d’eau froide, sa résistance
électrique et sa coupelle en plastique très utile tant pour vérifier la
température sans se faire électrocuter, que pour s’arroser d’une délicieuse eau
entre un peu trop froide, tempérée ou à te transformer en écrevisse ! Mais
je m’y suis habitué…
Pour l’heure, mon voisin le plus direct (en dehors du cousin du proprio et de son adolescent pas toujours simple à vivre mais très aimable - ils vivent sous moi, mais il n'y a quasiment pas d'isolement phonique...), c’est cette belle minette qui est bien décidée à quitter le bidonville de ses maîtres actuels (juste en contrebas de mon balcon où je fais sécher mon linge) pour s’incruster chez moi. Il va lui falloir s’habituer à de bonnes caresses et à pas plus : j’aime sa compagnie, mais j’ai besoin de préserver un rien de ce qui ressemble parfois à un peu d’intimité…
Au vrai, j’aime le murmure presque permanent des musiques latinos qui remontent du quartier : il s’en dégage un goût ensoleillé et une joie de vivre à mille miles des violences que nous inflige souvent la musique anglo-saxonne. Même durant la sieste, cela me berce.
En revanche, un peu plus dur de m’habituer aux odeurs parfois digne d'une porcherie qui montent du bidonville voisin (il est bien possible qu'il y ait un porc sous les taules...). Et encore plus de me faire aux bibites qui surgissent d’un peu partout, et que j’ai laissées courir les premières semaines… jusqu’à devoir partager une nuit avec des dizaines d’entre elles… Depuis, je prends la peine de les écraser au fur et à mesure de leurs apparitions sur mes fruits, mes tables ou ma couche, et de laver régulièrement draps et dessus de lit (sur lesquels en fait je dors, me servant de mon super sac de couchage 0°C pour me dorloter durant les nuits frisquettes). Et de vérifier mes habits... Ricardo, le proprio, a fini par me passer des produits pour tenter de régler la question, c'est en cours d'application...
Ce que j’aime aussi, c’est la douce chaleur de fin d’été
qui, au milieu du jour, baigne la pièce et m’étreint amoureusement pour de
bonnes siestes quotidiennes. Une partie du toit laisse passer la lumière, et sa compagne qui fait chaud.
Mais ce que j’aime le plus, c’est d’être
entouré de verdure. C'est là mon véritable luxe. La vue sur les arbres en passant la porte, et sur le jardin avec ses
beautés en descendant le petit escalier de fer puis en passant au milieu des
fils à linge, des poules et des chiens de Ricardo. Et là, j’ai le choix : pour danser
chaque matin les lettres hébraïques, soit je vais dans la piscine désaffectée,
soit je mets les pieds sur la douce de terre de la chinampa !
C’est qu’en fait, je vis sur une île ! L’une
des multiples petites iles des chinampan (mot nahuatl) aztèques, ce système de culture incroyable qui avait peu à peu colonisé la
quasi-totalité du lac entourant l’ancienne Tenochtitlán : un système d’îles artificielles baignées en permanence par le lac. Cela assurait plusieurs récoltes annuelles
et fut de toute évidence l’un des piliers de la suprématie des Mexicali sur
leurs voisins. Aujourd'hui, les parcelles préservées dans la délégation de Xochimilco sont inscrites sur la liste du patrimoine de l'humanité de l'UNESCO. L’eau baigne l’arrière et l'un des côtés du jardin,
et pour arriver jusqu’aux portes en contreplaqué de la propriété, il faut
passer deux ponts : l’un large et populeux, l’autre si petits que deux vélos peuvent à peine s’y croiser… J’apprends la patience au quotidien :
impossible de partir en trombe pour aller rejoindre un RV urgent…
Ce petit pont est la limite
de la zone de travail des innombrables bicitaxis
qui envahissent littéralement le quartier – autant les Mexicains me cassent les
oreilles et les nerfs avec les klaxons de leurs totos, de leurs motos et de
leurs scooters, autant j’ai appris avec charme à repérer les sifflements doux
et mélodieux des bicitaxis drivers
qui signifient ainsi qu’il leur faut passer avec leurs clients parfois nombreux
(plus d’une fois, j’ai vu des personnes secourables venir pousser l’attelage sur
le premier pont, le cycliste-conducteur peinant de toutes ses jambes pour tirer
deux clients imbibés de Coca-cola ou autres saloperies venue de Gringolandia - les USA en langage local - et rendant obèse une partie
de la population mexicaine).
Oui, une cathédrale, car si ici nous sommes
toujours à Mexico, les limites ecclésiales
ne correspondent plus au limites administratives : il y a trois ans, l'archidiocèse de la Cuidad de México s'est séparé de quelques diocèses périphériques créés à l'occasion afin de mieux gérer l'immense territoire de l'agglomération. La cathédrale est dédiée à un
saint franciscain, et c’est bien quelque chose de l’esprit franciscain que je
ressens ici, et qui me rejoint.
L’horloge municipale, tous les midis, sonnent au son de l’Hymne à la joie de Beethoven, joué juste ! Rien à voir évidemment avec l’Hymne européen : c’est simplement que le compositeur autrichien est particulièrement apprécié au Mexique.
Ce n’est pas cela qui attire une foultitude de
touristes, mais bien les balades organisées entre les canaux dans de belles
embarcations, qui doivent refléter quelque chose de la beauté de la culture
populaire du temps des Aztèques.
C’est peut-être aussi le superbe marché couvert
de Xochimilco, le plus grand que je connaisse à date au Mexique : deux
halles où l’on trouve de tout ou presque (fruits, légumes, viandes à gogo, poissons
et fruits de mer, électroménager, bazar, restaurants, pâtisseries etc. etc.
etc. jusqu'à des groupes de musique !). Souvent, les odeurs sont géniales ! (quand elles viennent des fruits et légumes... pour les viandes, c'est à revoir...).
Des étales de viandes, se nourrissent le soir des bandes de chiens errants bien dodus qui déambulent comme s'ils étaient chez eux à la fermeture du marché. Parfois, ils sont marrants à voir s'ébattre dans les lieux publics. Mais ils peuvent être aussi un vrai problème : par deux fois en vélo j'ai été attaqué par ces saloperies hargneuses et croqueuses (une cheville a testée), de quoi donner des envies d'avoir un bon cran d'arrêt (David me suggère plutôt une répulsif au poivre...). Ceci dit, j'ai aussi été agressé par les chiens en pleine montagne et à la camapgne, chutes et blessures à la clé...
Mais quand il n'y en a qu'un seul à m'attaquer, j'en fais mon affaire : un soir dans une impasse, celui qui a commencé à vouloir faire sa loi avec sa grande gueule a vu foncer sur lui un cycliste très motivé poussant un énorme cri à la Shreck. Parole, il a déguerpi sans demander son reste, et on ne l'a plus jamais revu !
À quelques kilomètres du centre, des chinampas préservées de l’invasion
urbaine, où l’on cultive en particulier les fleurs, très très prisées ici pour
devenir des bouquets, des plantes en pot ou des pétales décoratifs (des
exemples dans l’article du Dia de Muertos). C'est la vocation traditionnelle de Xochimilco.
Et, à portée de regard et de vélo, le cercle de
montagne qui entoure la ville : je me croirais au sud de Grenoble, entre
Vercors et contreforts de Belledonne…
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